Le vendredi 12 septembre 2025 restera marqué dans les annales diplomatiques comme le jour où l’Assemblée Générale des Nations Unies a adopté une résolution historique préconisant une solution à deux États pour le conflit israélo-palestinien. Avec 142 voix pour, 10 contre et 12 abstentions, ce vote a révélé les nouvelles orientations stratégiques de plusieurs pays, dont la République Démocratique du Congo qui a choisi l’abstention.
Cette position congolaise, loin d’être anodine, s’inscrit dans un contexte géopolitique complexe où les enjeux dépassent largement le simple cadre du conflit moyen-oriental. Le texte, préparé conjointement par la France et l’Arabie saoudite, établit une feuille de route vers la reconnaissance d’un État palestinien dans les frontières de 1967. Une perspective immédiatement rejetée par Israël et les États-Unis qui ont promis des mesures de rétorsion sans précédent.
Mais pourquoi la RDC a-t-elle opté pour l’abstention dans ce vote crucial ? La réponse réside dans une recalibration minutieuse de sa diplomatie internationale. Face aux menaces israéliennes d’annexion de la Cisjordanie et au projet de contrôle définitif de Gaza, Kinshasa a choisi une position de prudence calculée. Cette approche reflète une prise de conscience aiguë des réalités géopolitiques contemporaines où les États africains doivent naviguer avec discernement entre les grandes puissances.
La diplomatie congolaise semble avoir tiré les leçons des expériences passées. Les prises de position hasardeuses sur des dossiers sensibles, comme celui des Ouïghours en Chine, ont parfois exposé le pays à des représailles disproportionnées par rapport aux gains escomptés. Le proverbe africain rappelant que « lorsque les éléphants se battent, c’est l’herbe qui souffre » trouve ici toute sa pertinence.
Cette abstention stratégique s’inscrit dans une tendance plus large de non-alignement assumé, voire de multi-alignement pragmatique. À l’instar de pays comme l’Inde, la Turquie ou le Qatar, la RDC semble vouloir diversifier ses partenariats sans s’engager irréversiblement dans un camp géopolitique particulier. Cette approche permet de maximiser les opportunités de coopération tout en minimisant les risques d’antagonisation inutile.
Le contexte sécuritaire à l’est de la RDC ajoute une dimension cruciale à cette équation diplomatique. Face à la relative tiédeur de la communauté internationale concernant les crises humanitaires congolaises, Kinshasa estime légitime d’adopter une position plus circonspecte sur des conflits éloignés de ses préoccupations immédiates. Cette realpolitik assumée contraste avec l’idéalisme parfois affiché par les diplomaties africaines traditionnelles.
La guerre en Ukraine a servi de révélateur des nouvelles dynamiques internationales. L’attitude de nombreux pays du Sud global, refusant de prendre parti dans ce conflit, démontre l’émergence d’un monde multipolaire où les anciennes logiques d’alliance cèdent progressivement la place à des calculs plus nuancés. La RDC, en s’abstenant sur la question palestinienne, s’inscrit dans cette reconfiguration géostratégique.
Cette position ne signifie pas pour autant un désintérêt pour la cause palestinienne. Sur le principe, la solution à deux États correspond aux valeurs fondamentales du droit international et à la tradition diplomatique congolaise. Mais la complexité du dossier, couplée aux rapports de force entre grandes puissances, impose une approche mesurée qui privilégie les intérêts nationaux congolais.
À l’heure où la diversification des partenariats devient une nécessité stratégique, l’abstention de la RDC apparaît comme le choix le plus rationnel. Elle permet d’éviter soit de devenir le vassal d’une puissance, soit de se positionner en porte-à-faux systématique. Cette posture, si elle est maintenue de manière cohérente, pourrait constituer le fondement d’une nouvelle politique étrangère congolaise plus assertive et plus profitable aux intérêts nationaux.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd