La décentralisation en République Démocratique du Congo traverse-t-elle une crise de crédibilité ? Trois organisations majeures de la société civile – AETA, RECIC et CREFDL Asbl – viennent de jeter un pavé dans la mare en soutenant ouvertement la fronde des conseillers communaux. Ces derniers, installés depuis des mois, multiplient les sit-in devant la Primature pour exiger l’organisation des élections locales tant attendues.
Leur combat dépasse la simple question des émoluments non perçus. Il s’agit ni plus ni moins d’un test crucial pour la mise en œuvre effective de la décentralisation, pourtant érigée en principe constitutionnel. Comment expliquer que les élus locaux, censés incarner cette nouvelle gouvernance de proximité, se retrouvent dans l’impossibilité d’exercer pleinement leur mandat ?
Les organisations civiles pointent un paradoxe troublant : tandis que le calendrier de la CENI prévoyait des élections pour le 9 octobre 2025, le processus semble aujourd’hui dans l’impasse. Les conseillers communaux, élus lors des scrutins de décembre 2023, restent condamnés à un rôle d’acteurs incomplets dans le puzzle institutionnel congolais.
La question financière révèle toute l’ambiguïté du système. Les trois organisations rappellent avec force que « les finances publiques des Entités Territoriales Décentralisées (ETD) sont distinctes de celles du pouvoir central et des provinces ». Pourtant, dans les faits, l’autonomie financière promise ressemble à un mirage pour des élus qui ne peuvent même pas percevoir leurs indemnités.
Le plaidoyer pour un « mécanisme au niveau local » sonne comme un aveu d’échec du modèle actuel. Faut-il y voir une méfiance persistante du pouvoir central à l’égard de la décentralisation ? Ou simplement les difficultés techniques d’une réforme ambitieuse mais mal accompagnée ?
Les élections municipales en RDC représentent pourtant un enjeu capital pour la démocratie locale. L’organisation des scrutins pour les conseillers urbains, maires et bourgmestres constituerait un signal fort en faveur d’une véritable gouvernance ouverte. La société civile, par la voix de ces trois structures, semble avoir choisi son camp : celui d’une accélération du processus contre les résistances bureaucratiques.
Le ministre de l’Intérieur et les gouverneurs de province se retrouvent sous pression. Leur capacité à débloquer la situation sera scrutée à la loupe. Car derrière les technicalités budgétaires et calendaires, c’est la crédibilité même de la décentralisation congolaise qui se joue. Le pouvoir central parviendra-t-il à concilier ses prérogatives avec l’autonomie promise aux territoires ?
La balle est désormais dans le camp des autorités. Les prochains jours diront si les sit-in des conseillers communaux et le soutien de la société civile auront suffi à faire bouger les lignes. Une chose est certaine : l’échec à organiser ces élections locales porterait un coup dur à la confiance des citoyens dans la réforme des institutions territoriales.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd