La déclaration présidentielle résonne comme un coup de tonnerre dans le paysage politique congolais. « Aucun dialogue ou initiative de paix ne peut être mise en place sans mon aval », affirme Félix Tshisekedi, dessinant les contours d’une nouvelle approche diplomatique où l’Exécutif reprend fermement les rênes des processus de conciliation nationale. Cette prise de position, perçue par certains comme une affirmation nécessaire de l’autorité étatique, suscite néanmoins des interrogations parmi les observateurs politiques.
Laurent Batumona, figure éminente du PEP/AAAP et autorité morale du MSC, s’est employé à décrypter cette pensée présidentielle lors d’un passage remarqué sur Télé 50. Son analyse distingue fondamentalement deux époques : le contexte post-conflit de Sun City et la réalité actuelle d’un État doté d’institutions démocratiquement élues. « Le Président Félix Tshisekedi est légalement élu par le peuple congolais », rappelle-t-il avec force, soulignant la légitimité populaire qui fonde désormais l’autorité du chef de l’État.
La question centrale qui se pose est la suivante : un dialogue peut-il véritablement aboutir s’il ignore la légitimité issue des urnes ? Batumona apporte une réponse nuancée mais ferme, estimant que les mécanismes de discussion doivent s’adapter aux nouvelles réalités constitutionnelles. Le parallèle avec Sun City s’avère, selon lui, inadéquat : « Le dialogue de Sun City ne peut pas être copié par rapport au dialogue qui s’annonce actuellement ».
Le président Tshisekedi se présente comme un artisan du dialogue, multipliant les consultations avec d’anciens chefs d’État et s’engageant dans une diplomatie active tant en Occident qu’en Afrique. Cette ouverture contrôlée interroge cependant sur l’équilibre entre inclusivité et direction présidentielle. Batumona, fort de son expérience des multiples dialogues ayant jalonné l’histoire récente de la RDC, met en garde contre la reproduction des schémas passés.
L’échec relatif de Sun City, qui avait pourtant conduit à des élections mais fut suivi deux ans plus tard par une résurgence des conflits, sert de leçon. « Le dialogue que le Président Félix Tshisekedi souhaite doit se tenir au pays et non en dehors du pays », insiste Batumona, plaidant pour une approche endogène et souveraine. Cette position soulève une question cruciale : la localisation des discussions influence-t-elle leur efficacité et leur légitimité ?
La légitimité électorale du président, élu avec plus de 75% des voix, devient l’argument central justifiant son leadership dans tout processus dialogue. Batumona s’interroge rhétoriquement : « Comment voulez-vous qu’il puisse accepter que ce dialogue se tienne en dehors de la RDC et sans que lui le convoque au nom du peuple ? ». Cette question résume l’essence du débat : qui détient l’autorité pour parler au nom de la nation ?
La subtilité de l’analyse batumonienne réside dans sa distinction entre dialogue inclusif et dialogue dirigé. Il ne s’agit pas de fermer la porte aux discussions mais d’en définir clairement les règles et les acteurs. « Il faut savoir avec qui dialoguer et pour quelle cause ! », lance-t-il, pointant la nécessité d’une clarification préalable des objectifs et des participants.
Cette position reflète une évolution significative dans l’approche des processus de paix en RDC. Alors que les accords passés privilégiaient souvent l’inclusivité maximale, l’accent semble désormais mis sur l’efficacité et la reconnaissance de la légitimité démocratique. Cette transition n’est pas sans risques, pouvant être perçue comme une concentration excessive du pouvoir ou, au contraire, comme une maturation nécessaire des institutions congolaises.
Le véritable enjeu réside dans la capacité à concilier légitimité électorale et représentativité nationale, leadership présidentiel et inclusion des diverses sensibilités politiques. Le débat ouvert par les déclarations de Tshisekedi et leur interprétation par Batumona dessine les contours des futures négociations qui devront naviguer entre ces impératifs parfois contradictoires.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net