L’actualité de la semaine écoulée est marquée par un profond malaise national : à l’Est, les massacres, les crises sanitaires et les drames humanitaires s’accumulent, tandis qu’à Kinshasa, la scène politique tangue sous les motions, les procès historiques et les arrestations de députés. Notre société se retrouve au carrefour d’une triple urgence : sécuritaire, institutionnelle et sanitaire. Dans ce contexte, la question du contrat social — la confiance entre État et citoyens — se pose avec une acuité inédite.
La sécurité, d’abord. Les tragédies se suivent et se ressemblent dans l’Est : flambée des violences à Uvira, Nord-Kivu et Ituri, attaques ciblées contre des civils et déplacements massifs continuent d’endeuiller des familles entières. Malgré les visites d’autorités nationales ou onusiennes, l’amélioration promise demeure hors de portée. Le décès du général Mwaku Mbuluku, les hommages appuyés, les patrouilles mixtes à Mont-Ngafula et les appels de la société civile à Kinshasa ou Beni n’arrivent pas à restaurer la confiance ni l’espoir d’une sécurité durable. Les groupes armés narguent l’autorité de l’État et exacerbent les clivages communautaires, tandis que la population fait face à la peur, la précarité et la famine. Les conflits se doublent d’une crise humanitaire prolongée : selon le PAM, 30 000 déplacés viennent d’être aidés, mais l’ampleur du besoin reste effroyable, et même l’aide internationale prend la mesure de ses limites, à l’image de l’alerte de l’ONU sur une crise imminente en Ituri faute de financement.
Politiquement, c’est une autre tempête qui gronde. La motion de destitution contre Vital Kamerhe et l’arrestation de 14 députés en pleine collecte de signatures entérinent une crise institutionnelle de grande ampleur : la séparation des pouvoirs et l’immunité parlementaire sont violées, interrogeant la capacité du système à garantir équilibre démocratique et protection des libertés. Le procès historique pour trahison visant l’ancien président Joseph Kabila, rouvert cette semaine, s’ajoute à la défiance. L’image qui se dégage : celle d’un État ébranlé, où l’autorité peine à s’incarner et où la gouvernance est contestée jusque dans ses principes fondamentaux.
À ce tableau s’ajoute le défi sanitaire aigu, illustré par la nouvelle flambée d’Ebola dans le Kasaï (plus de 25 cas et déjà 16 décès), sur fond d’insuffisance des infrastructures et de méfiance envers les dispositifs publics de santé. Malgré la mobilisation d’urgence, le taux de létalité frôle 50 %, symptôme d’un système mis à rude épreuve, déjà débordé par la multiplication des crises.
Ce triptyque insécurité, défi institutionnel et crise sanitaire met en lumière un malaise plus profond : l’effondrement progressif du contrat social en RDC. À mesure que l’État se fragilise sur les plans sécuritaire, politique et sanitaire, la population, elle, plonge dans le doute. Le fil rouge reliant toutes ces actualités, c’est l’urgence de restaurer la confiance : confiance dans la capacité des institutions à protéger, à juger équitablement et à garantir, au minimum, la sécurité physique et sanitaire. La semaine précédente, déjà, la montée des violences et le piétinement des accords de paix pressentaient cette situation de rupture, aujourd’hui confirmée par l’embrasement simultané de toutes les sphères de la vie publique.
Face à ce diagnostic, il convient de poser la question de la finalité de l’État : pour qui et pour quoi gouverne-t-on, si la société ne se sent ni protégée ni entendue ? Peut-on continuer d’accumuler les réformes sur le papier sans les traduire en actes tangibles ? La restauration de l’autorité doit aller de pair avec la transparence, une justice indépendante et la redevabilité. Cela passe aussi par un dialogue sincère avec les forces vives : société civile, autorités religieuses, acteurs locaux, et partenaires internationaux.
Lectrices, lecteurs, la République démocratique du Congo se trouve à l’heure du choix : persister dans l’inertie, ou bien assumer un véritable sursaut national. Pour éviter que le contrat social ne soit définitivement rompu, la classe politique doit s’engager sur la voie de la responsabilité, du respect effectif des libertés et de la sécurité de tous. La paix à l’Est, l’indépendance judiciaire, la lutte contre les crises sanitaires, la lutte contre la corruption et le dialogue social ne doivent plus rester des slogans, mais devenir réalité. Nous, citoyens, avons le droit d’exiger cela — et le devoir de refuser le fatalisme. Seule une mobilisation inclusive, du sommet de l’État à la base, permettra de ressouder la société et de remettre l’espérance au cœur de la RDC.
— La Rédaction de CongoQuotidien