À Ngiri-Ngiri, un paradoxe urbain interpelle les consciences. Alors que le gouverneur de Kinshasa Daniel Bumba exhortait récemment les autorités communales à préserver la quiétude des établissements scolaires, le bourgmestre Léonard Mwamba justifie l’installation de commerces le long de l’avenue Ngiri-Ngiri comme mesure de sécurité. Comment des échoppes et terrasses de fortune peuvent-elles devenir des remparts protecteurs pour les écoles publiques ?
Cette décision survient après les vives préoccupations exprimées par de nombreux parents d’élèves. Entre les directions Shaba et Karthoum, garages, boutiques et restaurants improvisés avaient créé un environnement jugé hostile à l’apprentissage. Les nuisances sonores et les perturbations diverses menaçaient le cadre éducatif, soulevant une question fondamentale : jusqu’où peut-on sacrifier l’environnement scolaire au nom de la sécurité ?
Le bourgmestre Mwamba avance des arguments qui méritent examen. « Il y a aussi le problème d’obscurité », explique-t-il, soulignant les défis sécuritaires auxquels fait face sa commune. La référence aux écoles conventionnées catholiques est particulièrement éloquente : celles-ci auraient innové en entourant leurs établissements de constructions commerciales, créant ainsi une barrière physique et sociale contre les intrusions malveillantes. Mais cette solution est-elle transposable à l’enseignement public ?
Le cœur du problème réside dans le manque criant de moyens. La police municipale de Kinshasa, aux effectifs squelettiques, ne peut assurer une surveillance efficace. Les préfets soulignent d’ailleurs « la faiblesse des frais de fonctionnement », dévoilant une réalité administrative souvent occultée. Dans ce contexte, les commerces deviendraient-ils les vigiles involontaires de la sécurité scolaire ?
Pourtant, l’approche de la rentrée scolaire 2025-2026 impose une réflexion plus profonde. Le gouverneur Bumba avait pourtant appelé à préserver l’environnement scolaire de toute nuisance. Ne risque-t-on pas de remplacer un problème par un autre ? Les commerces, s’ils peuvent dissuader certaines menaces, apportent leur lot de bruit, d’agitation et de distractions pour les élèves.
La situation à Ngiri-Ngiri révèle un dilemme plus large qui traverse toute la capitale congolaise. Entre sécurité et qualité de l’environnement éducatif, les autorités communales doivent naviguer avec des ressources limitées. Les parents restent partagés : veulent-ils vraiment que la sécurité de leurs enfants dépende de l’installation aléatoire de commerces ?
Cette initiative, bien que pragmatique, ouvre un débat essentiel sur l’aménagement urbain autour des écoles à Kinshasa. Elle questionne la responsabilité collective dans la protection de l’enfance et l’éducation. Alors que la ville grandit et se transforme, trouver l’équilibre entre développement commercial et sanctuaire éducatif représente un défi de taille pour les années à venir.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net