Dans la pénombre matinale du cimetière de Saint-Josse, à Bruxelles, les silhouettes se découpent avec une solennité presque sacrée. Des mains se serrent, des regards se croisent, chargés d’une mémoire collective qui traverse les générations. La diaspora congolaise de Belgique s’est rassemblée ce lundi 8 septembre pour une cérémonie aussi rare que symbolique : le premier anniversaire de l’érection d’une stèle dédiée aux anciens combattants de la Force Publique du Congo.
L’air vibrait d’une émotion contenue, mêlée au parfum des fleurs déposées au pied du monument. Comment ne pas être saisi par la puissance de ce moment où le passé colonial ressurgit dans l’espace public européen ? La stèle, sobre et élégante, devient bien plus qu’un simple monument : elle incarne une réappropriation mémorielle, une revendication silencieuse mais ferme d’une histoire trop longtemps occultée.
Yves Bassambi, vice-président du Conseil communal de Saint-Josse, a porté la voix de cette mémoire ressuscitée. Sa déclaration résonne comme un rappel nécessaire : ces combattants congolais, arrachés à leur terre pour servir dans un conflit qui ne les concernait pas directement, méritent autre chose que l’oubli. Leur sacrifice, accompli avec une abnégation remarquable, constitue aujourd’hui un héritage précieux pour les jeunes générations de la diaspora congolaise en Belgique.
La cérémonie dépasse le simple cadre commémoratif pour devenir un acte politique au sens noble du terme. Elle interroge notre rapport à l’histoire coloniale, questionne les silences officiels et propose une narration alternative où la dignité des anciens combattants congolais retrouve sa place légitime. Chaque gerbe déposée, chaque minute de silence observée, participe à cette reconstruction mémorielle essentielle.
Que représentent ces hommes de la Force Publique pour la diaspora congolaise actuelle ? Bien plus que de simples soldats : ils deviennent les symboles d’une résilience face à l’Histoire, les porteurs d’valeurs universelles qui transcendent les frontières et les époques. Leur courage, leur sens du devoir, leur capacité à servir avec honneur malgré les circonstances difficiles – autant de qualités que la communauté congolaise de Belgique cherche à transmettre à ses enfants.
Cette commémoration à Bruxelles s’inscrit dans un mouvement plus large de reconnaissance des apports congolais à l’histoire européenne. Elle témoigne d’une maturation de la diaspora, capable désormais d’initier des projets mémoriels ambitieux et de les ancrer dans l’espace public belge. La stèle de Saint-Josse n’est pas qu’un monument de pierre : elle est une affirmation identitaire, une revendication de visibilité, une demande de reconnaissance.
Au-delà du devoir de mémoire, cette cérémonie annuelle pourrait-elle devenir un rendez-vous incontournable du dialogue entre la Belgique et sa communauté congolaise ? Elle offre en tout cas un espace de médiation unique, où les blessures historiques peuvent commencer à se panser through le partage d’une mémoire commune enfin assumée.
La portée symbolique de cet événement dépasse largement le cadre bruxellois. Elle envoie un message fort à l’ensemble de la diaspora congolaise en Europe : la mémoire de vos aïeux mérite d’être honorée, leur sacrifice doit être reconnu, leur histoire doit être racontée. Dans le jardin du cimetière de Saint-Josse, ce sont toutes les pages occultées de l’histoire commune entre le Congo et la Belgique qui refont surface, portées par le souffle du devoir de mémoire.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net