À Beni, dans le Nord-Kivu, une onde de choc silencieuse parcourt les couloirs des organisations humanitaires. Bruno Lemarquis, Représentant spécial adjoint de l’ONU, dresse un constat alarmant : la République démocratique du Congo subit de plein fouet les contrecoups d’une crise mondiale du financement. « La RDC est le pays le plus touché au monde », affirme-t-il, les mots pesant lourd dans l’air chaud de l’après-rencontre avec les autorités militaires provinciales.
Comment en est-on arrivé là ? Les bailleurs de fonds, confrontés à leurs propres défis économiques, opèrent des coupes sombres dans leurs engagements. Résultat : des programmes vitaux sont suspendus, des distributions de nourriture interrompues, des centres de santé fragilisés. Des milliers de familles, déjà éprouvées par des années de conflits et de déplacements, se retrouvent doublement abandonnées.
« Les communautés perçoivent cela comme un manque de volonté de notre part », regrette Lemarquis. Pourtant, la réalité est plus complexe. Les humanitaires sont comme des pompiers face à un incendie qui ne s’éteint plus : ils luttent avec les moyens du bord, mais manquent d’eau. La métaphore est forte, mais elle traduit une amère vérité. L’aide internationale en RDC dépend largement de fonds américains aujourd’hui revus à la baisse, plongeant le secteur dans une incertitude sans précédent.
Au-delà de l’urgence, l’officier onusien appelle à une réflexion plus profonde. Et si la solution passait moins par l’intervention d’urgence que par la prévention ? Résoudre les conflits locaux, investir dans la médiation communautaire, régler les questions foncières explosives… Autant de pistes pour éteindre le feu à la source. « Il vaut mieux qu’il n’y ait pas de feu », lance-t-il, pragmatique.
Mais sur le terrain, à Beni et ailleurs dans le Nord-Kivu, le temps presse. Les besoins humanitaires ne faiblissent pas ; bien au contraire, ils s’accumulent. Les acteurs locaux et internationaux tentent de maintenir tant bien que mal leurs activités, mais les fissures s’élargissent. Les Nations Unies multiplient les plaidoyers, mais dans un contexte global de tensions géopolitiques et économiques, les oreilles se font rares.
Qu’adviendra-t-il des populations si rien ne change ? La question plane, lourde de conséquences. La RDC, déjà fragilisée par des décennies de crises, ne peut porter seule le poids de cette rupture financière. La solidarité internationale, si souvent invoquée, montre aujourd’hui ses limites. Et pendant ce temps, à Beni, des enfants, des femmes et des hommes attendent. Ils attendent de manger, de se soigner, de retrouver un semblant de dignité. Leur patience, comme les budgets, s’amenuise.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net