Dans la pénombre feutrée des salles de spectacle de Ryazan, une magie venue du cœur de l’Afrique s’apprête à prendre vie. La Compagnie Théâtre de Marconte, ambassadrice culturelle de la République Démocratique du Congo, porte haut les couleurs du pays au prestigieux Festival international des théâtres de marionnettes « Ryazan Smotriny ». Du 12 au 18 septembre, les marionnettistes congolais vont écrire une page historique en devenant la première troupe africaine à participer à cette manifestation russe vieille de vingt éditions.
Qu’est-ce qui rend cette participation si exceptionnelle ? S. Konde, directeur technique de la CTM, nous éclaire : « Les organisateurs avaient déjà essayé à plusieurs reprises d’inviter des troupes d’Afrique, sans succès. Notre présence ici est accueillie avec beaucoup de fierté ». Cette invitation n’est pas le fruit du hasard, mais bien la reconnaissance du rayonnement croissant du théâtre congolais sur la scène internationale.
Le spectacle présenté, « Kuakidila Kua Mukulakaja » (l’hospitalité d’une vieille en Tshiluba), puise dans la tradition ancestrale congolaise pour transmettre un message universel d’unité et de partage. À travers les manipulations délicates de trois comédiens, les marionnettes prennent vie dans un castelet de dimensions modestes (2m x 1m x 1m), créant une intimité magique avec le public. La particularité ? La manipulation se fait à vue, dévoilant la poésie technique derrière l’illusion théâtrale.
Au centre de cette fable initiatique se trouve Kourpoko, vieille femme héritière de la sagesse ancestrale, qui résout les problèmes des villageois par ses conseils éclairés et ses proverbes enchanteurs. Le spectacle explore des thèmes fondamentaux : la générosité léguée par les ancêtres, la spiritualité, l’identité culturelle et les liens invisibles qui unissent les vivants à leurs racines.
Au-delà de la performance artistique, cette participation s’inscrit dans un programme plus vaste de coopération culturelle. Deux artistes de la CTM, Chardy Masamuna et S. Konde, ont déjà entamé le dialogue avec les étudiants de l’Université de Ryazan dans le cadre du programme « La Lune est la même pour tous ». Cette initiative, menée en collaboration avec le centre russe de l’UNIMA et l’Union des travailleurs du théâtre de Russie, témoigne de la volonté de créer des ponts durables entre les cultures.
Konstantin Kirillov, directeur du festival, souligne l’importance de ces échanges : ce laboratoire international accueille « de jeunes spécialistes qui, malgré leur faible expérience professionnelle, se distinguent par leur haut niveau de compétence et leur courage créatif ». La prochaine édition du programme en 2026 promet d’élargir encore cette ouverture, avec des artistes attendus d’Afrique du Sud, du Brésil, du Japon et des États-Unis.
Dans l’univers du théâtre de marionnettes, où l’artifice révèle souvent des vérités profondes, la CTM offre bien plus qu’un spectacle : elle propose une immersion dans l’âme congolaise. Entre les fils invisibles qui animent les marionnettes et ceux, tout aussi précieux, qui tissent les liens entre les peuples, se joue une partition d’une rare beauté. Et si la véritable magie résidait dans cette capacité à nous rappeler que, malgré la distance et les différences, nous partageons tous la même humanité ?
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd