Entre les murs du Centre Wallonie-Bruxelles de Kinshasa, une respiration artistique venue des terres meurtries du Nord-Kivu s’est installée comme un baume sur les plaies de la nation. L’exposition « Résilience », visitée ce mercredi 3 septembre par le ministre de la Communication et Médias Patrick Muyaya Katembwe, déploie ses ailes colorées comme un phénix renaissant des cendres des conflits. Comment l’art peut-il devenir une arme de reconstruction massive face à l’adversité ?
Les œuvres de Chika Léon, Didier Binyungu, Silva Ndabu et leurs pairs ne se contentent pas d’être contemplées – elles interpellent, elles provoquent, elles consolent. Chaque coup de pinceau raconte l’indicible : ces femmes de l’Est qui portent le poids de la guerre sur leurs épaules courbées mais jamais brisées. Le ministre Muyaya, visiblement ému, a salué cette attention particulière accordée à la femme, « principale victime de la guerre » mais aussi incarnation par excellence de cette résistance silencieuse qui défie les obus.
La curatrice Edith Kongani explique cette démarche avec une ferveur qui rappelle que l’artiste congolais n’est pas un simple créateur mais un porte-voix des sans-voix. « Nous sommes là pour parler à celles qui ne peuvent pas parler », affirme-t-elle, ses mots résonnant comme un manifeste. Son plaidoyer pour la femme résiliente – forte, capable, invincible malgré l’horreur – transforme l’espace d’exposition en tribunal où la beauté juge la barbarie.
Du côté de la Délégation Wallonie-Bruxelles, Cécile Djunga confie avoir été « changée » par sa rencontre avec le collectif Elykia Arts à Goma. Sa description du centre culturel gomatracien comme lieu « où l’art devient souffle, cri, pansement » peint une réalité où la création persiste alors que le monde alentour s’effondre. Ces artistes qui continuent de peindre alors que le volcan gronde et que les milices rodent – n’est-ce pas là l’acte ultime de défiance ?
L’exposition, ouverte jusqu’au 27 septembre 2025, transcende la simple démarche esthétique. Elle s’impose comme un acte politique, un témoignage collectif, une thérapie par les pigments. Les toiles deviennent des miroirs où se reflètent les visages de celles qui, dans l’Est du pays, tissent patiemment la tapisserie de leur propre libération. Chaque couleur est un mot, chaque composition une phrase dans ce roman visuel de la survie.
Patrick Muyaya ne s’y est pas trompé : derrière la beauté formelle perce l’urgence d’un message. « Dire non à la guerre, dire oui à la résilience » – le ministre reconnaît dans ces œuvres spontanées l’émergence d’une conscience collective qui, par la magie de l’art, dépasse les clivages et les frontières. La culture comme rempart contre la désolation, l’inspiration comme antidote à la destruction : voilà le mantra que murmurent ces pinceaux courageux.
Dans cette Kinshasa souvent bruyante de ses contradictions, l’exposition « Résilience » offre un rare moment de grâce et de profondeur. Elle rappelle que pendant que certains se battent avec des armes, d’autres combattent avec des couleurs – et que peut-être, finalement, ce sont ces derniers qui gagnent la guerre la plus importante : celle de l’âme.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd
