Une hémorragie économique sans précédent frappe la province de l’Ituri en République Démocratique du Congo. Pas moins de 35 000 tonnes de cacao ont été détournées vers l’Ouganda depuis janvier 2025, selon les révélations choc du ministre de l’Agriculture, Muhindo Nzangi. Ce trafic organisé emprunte des routes clandestines à travers le lac Albert, avec des points de sortie critiques à Toronko et Rwabisengo.
L’ampleur de cette fraude cacao en RDC représente un manque à gagner fiscal considérable pour l’État congolais, déjà aux prises avec des défis économiques multiples. Comment un tel volume peut-il transiter invisiblement sans complicité structurée ? Le ministre, lors du lancement de la campagne agricole 2025-2026 à Bunia, a sonné l’alarme sur l’urgence de restructurer toute la filière cacao et café.
Les conséquences de cette exportation illégale vers l’Ouganda dépassent le simple préjudice financier. La Nouvelle Société Civile de Mambasa alerte sur les risques sécuritaires : ce cacao de l’Ituri pourrait alimenter le financement des conflits armés persistants dans les territoires d’Irumu et Mambasa. Des groupes criminels et milices profiteraient de cette économie parallèle pour renforcer leurs activités illicites.
Le ministre Nzangi a insisté sur l’impérative nécessité de traçabilité et de légalité des exportations. « La réorganisation du secteur n’est plus une option mais une obligation nationale », a-t-il déclaré, appelant producteurs et exportateurs à se conformer aux réglementations. Cette restructuration vise à assainir une filière vitale pour l’économie congolaise, mais gangrénée par des pratiques illégales.
La culture du cacao, pourvoyeuse de revenus pour de nombreux agriculteurs, se trouve ainsi prise en étau entre violence armée et économie souterraine. La demande de création d’une brigade spéciale de protection des producteurs locaux répond à cette double urgence : sécuriser les acteurs légitimes et assécher les financements des groupes armés.
Cette situation interroge la capacité de l’État à contrôler ses frontières et à réguler ses secteurs économiques stratégiques. Le lac Albert, zone de transit privilégiée pour cette fraude, symbolise les défis de gouvernance dans des régions où la présence étatique reste limitée face à des réseaux criminels bien organisés.
Quelles mesures concrètes seront implantées pour endiguer cet écoulement illicite ? La restructuration annoncée devra combiner renforcement des contrôles, modernisation de la traçabilité et collaboration transfrontalière avec l’Ouganda. L’enjeu dépasse la simple perte de recettes : il s’agit de reprendre le contrôle d’une ressource nationale et de couper les vivres aux acteurs de l’insécurité.
L’économie congolaise ne peut se permettre de voir disparaître ainsi les fruits du travail de ses agriculteurs. La résolution de ce dossier testera la détermination des autorités à lutter contre les économies parallèles qui minent le développement national et entretiennent l’instabilité dans l’est du pays.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net