À Mbuji-Mayi, le cœur économique du Kasaï-Oriental bat au rythme chaotique de l’avenue Kalonji, où des centaines de vendeurs ont déserté le marché Bakwadianga pour investir la chaussée. Cette pratique transforme progressivement l’artère principale en un gigantesque marché à ciel ouvert, au mépris total de la sécurité et des normes urbaines.
« Ici, au moins on vend », lance Marie Kasenga, les pieds posés sur le bitume brûlant. Comme elle, des centaines de femmes défient quotidiennement les dangers de la rue pour gagner leur vie. « À l’intérieur du marché, les clients ne viennent pas. Sur la route, ils n’ont pas le choix : ils doivent passer devant nous ».
Cette stratégie de survie économique se paie au prix fort : embouteillages monstres, risques permanents d’accidents, et conditions d’hygiène déplorables qui favorisent les maladies hydriques. Comment en est-on arrivé à cette situation où la voie publique devient le principal centre commercial de la ville ?
Charles Mbaya, habitant du quartier, décrit le calvaire quotidien : « La route devient si étroite que parfois les véhicules ne peuvent plus circuler. Les chauffeurs klaxonnent, les vendeurs s’énervent, c’est devenu une zone de tension permanente ».
Face à cette occupation anarchique de la voie publique, les autorités semblent dépassées. Romain Biaya Kalala, gestionnaire du marché Bakwadianga, reconnaît l’échec des campagnes de sensibilisation : « Nous avons tout essayé : la persuasion, les avertissements, rien n’y fait. Maintenant, nous passerons aux mesures coercitives ».
Mais la solution est-elle vraiment dans la répression ? Derrière cette vente anarchique avenue Kalonji se cache une réalité socio-économique complexe. Le marché Bakwadianga, saturé et mal organisé, ne répond plus aux besoins des commerçants. L’exode vers la rue devient alors la seule alternative viable pour nombre d’entre eux.
Les problèmes de circulation à Mbuji-Mayi ne sont que la face visible d’un malaise plus profond : celui d’une urbanisation non maîtrisée et d’une économie informelle qui cherche désespérément des espaces d’expression. La gestion du marché Bakwadianga nécessite une refonte complète, mais aussi une concertation réelle avec tous les acteurs concernés.
La situation actuelle crée un cercle vicieux : plus les vendeurs occupent la rue, moins le marché traditionnel attire de clients, ce qui pousse encore plus de commerçants à venir sur la chaussée. Une dynamique infernale qui semble sans issue.
Au-delà des mesures d’urgence annoncées par les autorités, ne faudrait-il pas repenser complètement l’aménagement des espaces commerciaux de la ville ? La solution durable passerait peut-être par la création de marchés satellites mieux répartis, mieux équipés, et surtout plus accessibles pour both les vendeurs et les acheteurs.
En attendant, des centaines de familles continuent de jouer leur survie économique sur le bitume dangereux de l’avenue Kalonji, entre deux passages de véhicules et sous le regard impuissant des autorités. Une situation qui questionne fondamentalement la capacité de la ville à organiser son développement économique de manière sécurisée et inclusive.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net