Dans un climat politique déjà tendu par la guerre à l’Est, l’ancien président Joseph Kabila Kabange jette un nouveau pavé dans la mare en accusant le régime Tshisekedi de mener une persécution systématique contre les officiers supérieurs des forces de sécurité. Cette sortie médiatique du leader du FCC intervient alors que quarante-et-un hauts gradés, dont trente-cinq généraux, font l’objet d’une enquête interne pour leur responsabilité présumée dans la débâcle face à la rébellion M23.
Le gouvernement, par la voix de son porte-parole Patrick Muyaya, oppose une fin de non-recevoir à ces accusations. « Comment parler de persécutions lorsqu’on pense que la justice fonctionne parce qu’il y a toujours une phase pré-juridictionnelle ? », s’interroge le ministre de la Communication, soulignant la légitimité des investigations en cours. Cette réponse officielle cache mal l’exaspération de l’exécutif face à ce qu’il perçoit comme une instrumentalisation politique des procédures judiciaires.
La crise militaire actuelle dépasse-t-elle le simple cadre opérationnel pour révéler des fractures politiques profondes ? La question mérite d’être posée tant les enjeux sécuritaires semblent indissociables des calculs politiques. Le gouvernement Suminwa avance l’argument de la réforme nécessaire des FARDC, affirmant vouloir « une armée réformée, qui doit monter en puissance ». Mais Joseph Kabila y voit plutôt une manœuvre destinée à éliminer les éléments considérés comme fidèles à l’ancien régime.
Le cas du Général d’armée Christian Tshiwewe, ancien chef d’État-major devenu conseiller militaire présidentiel et maintenant présumé aux arrêts, symbolise cette tension. Son parcours illustre les ambiguïtés d’une transition politique où les alliances restent mouvantes et les loyautés constamment réévaluées. Patrick Muyaya nie toute intention politique derrière ces arrestations, insistant sur la nécessité de « faire que la justice établisse les faits à charge ou décharge ».
Cette affaire des généraux de l’armée RDC soulève des questions fondamentales sur l’équilibre des pouvoirs et l’indépendance de la justice militaire. Le gouvernement justifie ses actions par l’impératif de responsabilisation face aux revers sur le terrain, notamment depuis la chute de Bunagana. Mais l’opposition dénonce une justice sélective qui ciblerait principalement les officiers perçus comme proches de l’ancien pouvoir.
La rhétorique employée par les deux camps révèle une radicalisation préoccupante. Patrick Muyaya n’hésite pas à accuser Joseph Kabila de vouloir « monter les militaires contre les institutions de la République », tandis que ce dernier dépeint un régime autoritaire bafouant les droits fondamentaux des officiers. Cette escalverbale nourrit un climat de défiance mutuelle qui pourrait compromettre toute perspective de dialogue national.
Le porte-parole du gouvernement va jusqu’à remettre en question l’engagement de l’ancien chef de l’État en faveur de la paix, affirmant : « Je ne suis pas sûr que dans ces derniers mouvements, il a montré que c’est un homme prédisposé pour faire la paix ». Cette déclaration, particulièrement acerbe, suggère une rupture complète entre les deux camps et la fin des tentatives de coexistence pacifique.
La persécution des officiers FARDC, si elle était avérée, constituerait un dangereux précédent dans la jeune démocratie congolaise. Mais l’impunité dont auraient bénéficié certains responsables militaires sous les régimes précédents justifie-t-elle pour autant des procédures expéditives ? La recherche d’équilibre entre accountability et présomption d’innocence reste le défi majeur que doit relever la justice militaire congolaise.
Cette affaire dépasse le cadre strictement national. La communauté internationale observe avec attention l’évolution de cette crise, consciente que la stabilité des FARDC est cruciale pour faire face à l’agression rwandaise à l’Est. La crédibilité du gouvernement dans sa gestion de ce dossier pourrait influencer le niveau de soutien international dont bénéficie la RDC dans son combat contre les groupes armés.
Quelles conséquences cette crise aura-t-elle sur le moral des troupes engagées au front ? La purge en cours risque-t-elle de fragiliser davantage une armée déjà éprouvée par des années de conflit ? Autant de questions auxquelles le gouvernement devra apporter des réponses convaincantes s’il veut éviter que cette affaire n’affaiblisse encore plus la position des FARDC face à l’ennemi.
La suite des événements dépendra largement de la capacité du gouvernement à démontrer le caractère impartial et juridiquement fondé de ses actions. Toute perception de règlement de comptes politiques pourrait en effet exacerbérer les tensions et compromettre les efforts de réforme des forces armées. Le régime Tshisekedi joue sur ce dossier sa crédibilité en matière de gouvernance sécuritaire.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd