Dans une décision aussi courageuse que désespérée, deux écoles primaires publiques du groupement Ikobo en territoire de Walikale ont pris le pari audacieux de poursuivre leurs activités hors de leurs zones d’implantation originelles. Les établissements Mumba de Misambo et Kilambo fonctionnent désormais à Buleusa, chef-lieu du groupement, fuyant ainsi les affrontements récurrents entre les rebelles de l’AFC/M23 et les Wazalendo qui paralysent la région.
Comment assurer le droit à l’éducation lorsque la guerre frappe aux portes des salles de classe ? Cette question cruciale se pose avec une acuité particulière dans le Nord-Kivu, où des milliers d’enfants voient leur scolarité brutalement interrompue par les violences armées. La délocalisation de ces écoles représente une solution improvisée face à l’urgence, mais révèle aussi l’ampleur de la crise sécuritaire qui frappe les zones rurales de la RDC.
Le responsable de la sous-division provinciale de l’éducation Walikale 3 confirme cette migration pédagogique forcée : « Enseignants et élèves se sont déplacés vers les grandes agglomérations pour se mettre à l’abri de l’insécurité ». Face à cette hémorragie humaine et éducative, les directeurs des deux écoles ont pris une décision radicale pour sauver l’année scolaire.
Mais cette solution de fortune s’accompagne de défis quotidiens monumentaux. Imaginez des salles de classe sans bâtiments appropriés, des cours dispensés l’après-midi seulement lorsque les établissements d’accueil terminent leurs propres programmes, et du matériel pédagogique réduit au strict minimum. Ces écoles délocalisées du Nord-Kivu fonctionnent dans des conditions qui témoignent de la résilience extraordinaire des acteurs éducatifs congolais.
Les villages de Misambo et Kilambo, autrefois animés par les rires des enfants et le va-et-vient des écoliers, sont aujourd’hui devenus des villages fantômes. Depuis le déclenchement des violences armées dans cette partie du territoire de Walikale, ces localités se vident semaine après semaine au rythme des affrontements entre belligérants.
Quel avenir pour l’éducation dans les zones de conflit en RDC ? Cette situation illustre le dilemme profond auquel font face les autorités éducatives : respecter le programme national tout en garantissant la sécurité des élèves et enseignants. La délocalisation temporaire apparaît comme une solution pragmatique, mais elle ne peut constituer une réponse durable.
Le cas de ces écoles du groupement Ikobo pose des questions fondamentales sur la protection de l’éducation en période de conflit. Comment garantir la continuité pédagogique lorsque les salles de classe se trouvent en première ligne ? Comment maintenir la qualité des apprentissages dans des conditions aussi précaires ?
Cette situation reflète malheureusement une réalité plus large dans l’est de la RDC, où de nombreuses écoles fonctionnent sous la menace permanente des groupes armés. L’insécurité dans les écoles de la région n’est pas un phénomène nouveau, mais elle prend une ampleur particulièrement préoccupante dans le contexte actuel d’escarmouches régulières entre l’AFC/M23 et les Wazalendo.
Au-delà de l’urgence humanitaire, c’est tout l’avenir éducatif d’une génération qui se joue dans ces zones en conflit. La communauté internationale et les autorités nationales doivent trouver des solutions durables pour protéger les écoles et garantir le droit fondamental à l’éducation, même – et surtout – en temps de guerre.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd