En République Démocratique du Congo, le droit foncier des femmes reste un combat quotidien entre les textes de loi progressistes et les pratiques coutumières ancestrales. Comment expliquer que dans un pays où la Constitution garantit l’égalité, des milliers de femmes se voient encore privées de leur héritage et de leur droit à la propriété terrienne ?
« Lorsque mon père est décédé, mes oncles m’ont expliqué que les terres familiales devaient revenir aux hommes de la famille. Pourtant, la loi dit que j’ai les mêmes droits que mes frères », témoigne Joséphine, agricultrice du Kongo-Central. Son histoire illustre le décalage criant entre les avancées juridiques et la réalité sur le terrain.
La RDC possède pourtant un arsenal juridique moderne. La Constitution de 2006 et le Code de la famille révisé en 2016 établissent clairement l’égalité successorale et le droit à la propriété pour tous, sans distinction de genre. Théoriquement, rien n’empêche une Congolaise d’acheter, de vendre ou d’hériter d’une terre. Mais pourquoi ces droits restent-ils si souvent lettre morte ?
La réponse se niche dans la persistance des traditions. Dans de nombreuses communautés, la coutume prime sur la loi écrite. « Les terres appartiennent au lignage masculin. Une femme qui réclame ses droits est perçue comme une menace pour l’unité familiale », explique une juriste locale. Cette discrimination systémique prive les femmes de sécurité économique et perpétue leur dépendance.
L’héritage constitue particulièrement un terrain miné. Des veuves se voient spoliées de leurs terres par leur belle-famille, parfois avec la complicité tacite des autorités locales. Les filles sont encouragées à « abandonner volontairement » leur part successorale au profit de leurs frères. Ces pratiques, illégales mais tolérées, creusent les inégalités de genre au Congo.
Au-delà des barrières culturelles, l’accès à la propriété se heurte à des obstacles administratifs décourageants. Procédures complexes, frais élevés, bureaucratie kafkaïenne : autant d’écueils qui dissuadent les femmes, particulièrement en milieu rural où l’information juridique circule mal. Comment exercer ses droits quand on ignore leur existence ?
Certaines osent pourtant résister. Des associations de femmes juristes accompagnent celles qui décident de faire valoir leurs droits devant les tribunaux. Mais le chemin reste semé d’embûches. « Porter plainte contre sa propre famille demande un courage immense. Beaucoup préfèrent renoncer par peur d’être rejetées par leur communauté », confie une avocate spécialisée dans les questions foncières.
La solution résiderait dans une double approche : mieux vulgariser les textes de loi tout en engageant un dialogue avec les autorités coutumières. Car posséder une terre ne représente pas seulement un enjeu économique pour les femmes congolaises. C’est une question de dignité, d’autonomie et de reconnaissance de leur pleine citoyenneté.
Jusqu’à quand devront-elles choisir entre respecter la tradition et exercer leurs droits légitimes ? La réponse à cette question déterminera l’avenir de millions de Congolaises qui aspirent simplement à voir leurs efforts reconnus et leur avenir sécurisé.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd