Alors que les écoles de la République Démocratique du Congo s’apprêtent à accueillir leurs élèves pour la rentrée scolaire, une réalité sombre persiste dans les quartiers périphériques de Kinshasa. Dans la commune de Kisenso, des enfants échangent leur droit à l’éducation contre des heures de labeur épuisant dans les sablières de la rivière Ndjili.
Comment peut-on parler de rentrée scolaire quand des mineurs doivent risquer leur vie pour s’offrir des cahiers et des uniformes ? Winner, 13 ans, ajuste avec difficulté une pirogue surchargée de sable. Son torse nu et sa culotte trouée témoignent de conditions de travail indignes pour un adolescent qui devrait être sur les bancs de l’école. « Sans ce travail, je n’aurai ni uniforme bleu blanc, ni cahiers, ni même des chaussures », confie-t-il, le regard las.
Son frère cadet, Junior, âgé de seulement 11 ans, a déjà dû apprendre à nager pour échapper au danger permanent de noyade. « Ce travail nous permet de manger et d’acheter nos cahiers », explique-t-il avec une maturité qui glace le sang. Leur oncle, Lionel, 35 ans, supervise ces activités précaires où le sable est vendu 13.000 francs congolais le chariot aux chantiers environnants.
Cette situation soulève des questions cruciales sur l’effectivité du droit à l’éducation en RDC. Comment expliquer que des enfants doivent choisir entre travailler pour survivre et étudier pour construire leur avenir ? La sablière de Kisenso, située à la limite des communes de Kisenso et Kimbaseke, devient le théâtre silencieux d’un drame social qui mine les fondements mêmes du système éducatif congolais.
Les autorités scolaires insistent sur l’obligation de présence le premier jour de rentrée, sous peine de remplacement. Mais que valent ces directives face à la précarité économique qui frappe les familles ? Le phénomène des enfants travailleurs à Ndjili et dans d’autres zones périphériques de Kinshasa révèle les limites des politiques éducatives face à la pauvreté endémique.
La rivière Ndjili, en décrue, offre un sable convoité par les constructeurs, mais elle engloutit aussi l’enfance de ceux qui le extraient. Samyr Lukombo, observateur de cette réalité, note comment les militaires ont cédé ces terrains en 2015, transformant une zone jadis maraîchère en chantiers permanents où la main-d’œuvre infantile devient une commodité.
Quel avenir pour l’éducation en République Démocratique du Congo si les plus jeunes doivent constamment arbitrer entre survie immédiate et formation scolaire ? La rentrée scolaire 2023 à Kinshasa révèle ainsi les contradictions profondes d’un système où l’accès à l’éducation reste tributaire de la situation économique des familles.
Alors que le gouvernement congolais multiplie les discours sur l’importance de l’éducation, des enfants continuent de payer de leur santé et de leur sécurité le prix de leur scolarité. La situation à Kisenso pose une question fondamentale : jusqu’à quand la RDC tolérera-t-elle que son avenir – ses enfants – soit sacrifié sur l’autel de la précarité économique ?
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd