La question du rapatriement des réfugiés congolais établis au Rwanda s’annonce comme un véritable casse-tête diplomatique pour les autorités de Kinshasa. Avec 83 000 personnes annoncées par Kigali, le gouvernement congolais affiche une prudence de rigueur, exigeant une vérification minutieuse avant toute opération de retour. Le vice-premier ministre Jacquemain Shabani l’a clairement signifié lors de sa conférence de presse conjointe avec le HCR : ces chiffres doivent être certifiés, tout comme la nationalité de chaque individu.
Comment Kinshasa peut-il envisager un rapatriement massif sans garanties préalables ? La méfiance institutionnelle semble justifiée au regard des tensions historiques entre les deux pays. Le mécanisme de vérification passera par le comité d’accueil, dont le rôle s’avère crucial dans ce processus délicat. Seulement 23 000 personnes sont actuellement recensées comme réfugiés congolais au Rwanda selon les chiffres officiels de la RDC – une divergence numérique qui en dit long sur la complexité du dossier.
Cette situation intervient dans un contexte régional particulièrement volatile, où les violences dans l’Est de la RDC continuent de générer des déplacements transfrontaliers. Les opérations de rapatriement deviennent-elles un instrument géopolitique plutôt qu’une solution humanitaire ? La question mérite d’être posée alors que le Rwanda organise parallèlement le retour de ses propres ressortissants depuis la RDC.
La récente tripartite RDC-HCR-Rwanda à Addis-Abeba a visiblement accéléré les dynamiques de rapatriement. Preuve en est le départ de 532 réfugiés rwandais depuis Goma lundi dernier, une opération facilitée par le HCR mais impliquant paradoxalement l’AFC/M23 – groupe rebelle qui contrôle la zone. Ce détail n’est pas anodin : il souligne les étranges configurations opérationnelles qui caractérisent parfois les processus de rapatriement dans cette région troublée.
Rappelons qu’en mai dernier, plus de 1 700 réfugiés rwandais avaient déjà été rapatriés avec l’appui des mêmes acteurs. Cette réciprocité affichée masque-t-elle des calculs politiques plus complexes ? Les réfugiés congolais au Rwanda deviendraient-ils des pions dans un jeu d’influence régionale ?
Le HCR, dirigé par Filippo Grandi, joue un rôle d’intermédiaire essentiel mais doit naviguer entre des exigences contradictoires. Sa présence à Kinshasa aux côtés du vice-premier ministre congolais témoigne de l’importance diplomatique du dossier. L’agence onusienne peut-elle garantir la transparence du processus face aux suspicions mutuelles ?
La prochaine étape cruciale résidera dans les travaux du comité d’accueil congolais, dont la mission de vérification s’annonce titanesque. Identifier, certifier et rapatrier des dizaines de milliers de personnes exigera des mois de travail méticuleux. Le gouvernement congolais prendra-t-il le risque d’un rapatriement précipité sans certification préalable ? Rien n’est moins sûr, au regard des enjeux de sécurité nationale.
Cette affaire dépasse le simple cadre humanitaire pour toucher aux équilibres géopolitiques de la région. Le traitement des réfugiés congolais au Rwanda et des réfugiés rwandais en RDC devient le miroir des relations tendues entre Kinshasa et Kigali. La communauté internationale observera avec attention comment ces deux voisins parviennent – ou non – à gérer ce dossier explosif avec le professionnalisme requis.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd