Dans un pays où l’accès à la culture reste un privilège urbain, une initiative audacieuse prend forme pour réinventer la diffusion cinématographique. Ciné Safari, porté par le visionnaire Buyikana Faith Kazambu Ephraïm, trace sa route hors des sentiers battus, apportant le septième art jusque dans les contrées les plus reculées de la République Démocratique du Congo.
Imaginez des projections en plein air sous les étoiles africaines, des ateliers de formation qui surgissent là où personne ne les attendait, des regards qui s’illuminent devant des images qui racontent enfin leurs propres histoires. Cette expérience sensorielle et éducative constitue l’essence même de Ciné Safari, bien plus qu’un simple projet culturel : une véritable odyssée cinématographique.
Le constat initial est sans appel : comment un pays de 105 millions d’habitants, dont 70% de jeunes, peut-il importer sa culture cinématographique alors qu’il regorge de richesses narratives inexploitées ? Avec ses 450 ethnies et dialectes, la RDC possède pourtant une diversité culturelle qui pourrait alimenter des décennies de création audiovisuelle. Mais les infrastructures manquent cruellement, concentrées essentiellement à Kinshasa et quasi inexistantes en province.
Buyikana Faith Kazambu Ephraïm répond à cette carence par l’itinérance. Son approche combine projections mobiles et formations pratiques aux métiers du cinéma, créant ainsi un écosystème complet qui vise à faire éclore une nouvelle génération de cinéastes congolais. « Nous devons raconter nos propres histoires, on ne peut pas attendre que d’autres le fassent à notre place », affirme-t-il avec une conviction qui sonne comme un manifeste.
Les défis rencontrés illustrent pourtant la complexité d’une telle entreprise. Lors du premier appel à candidatures, beaucoup de jeunes passionnés se sont heurtés à l’obstacle financier, même pour des formations au coût pourtant symbolique. Face à cette réalité, l’équipe de Ciné Safari a dû innovater en accordant des bourses aux talents les plus prometteurs. Autre écueil significatif : l’absence de soutien institutionnel malgré les sollicitations répétées auprès du ministère de la Culture et des autorités provinciales.
Pourtant, les retours du public confirment la pertinence de l’initiative. Les spectateurs expriment une joie palpable à découvrir des films qui reflètent enfin leur réalité, leurs questionnements, leur imaginaire. Les professionnels du secteur saluent quant à eux une démarche structurante pour l’industrie cinématographique congolaise naissante.
La spécificité de Ciné Safari réside dans cette double vocation : diffusion et formation. Le projet ne se contente pas d’apporter le cinéma là où il n’existe pas ; il sème également les graines d’une future production locale en formant en moyenne 70 jeunes par session aux techniques de réalisation, production, montage et scénarisation.
À moyen terme, l’ambition est d’élargir l’itinérance à toutes les provinces du pays. À long terme, Ciné Safari aspire à devenir une référence en matière de diffusion et de formation aux métiers du cinéma en RDC, avec un réseau solide de créateurs et de publics engagés. L’intégration des nouvelles technologies – plateformes en ligne, intelligence artificielle – devrait permettre de démultiplier l’impact au-delà des frontières physiques.
Quel rôle le cinéma peut-il jouer dans la consolidation de l’identité culturelle congolaise ? Buyikana Faith Kazambu Ephraïm le voit comme un miroir et un outil de transformation sociale. capable de renforcer la cohésion sociale, l’esprit critique et l’imaginaire collectif. Dans un pays aux réalités complexes, le cinéma devient ainsi un langage commun, un terrain d’expression et de dialogue.
Le lancement officiel à Matadi en juin 2025 marque un premier accomplissement significatif. Le choix de cette ville côtière n’est pas anodin : province riche en vestiges du Royaume Kongo, elle symbolise la porte d’entrée d’une civilisation qui retrouve peu à peu sa voix narrative.
Ciné Safari représente bien plus qu’une initiative culturelle : c’est un acte de foi dans le potentiel créatif de la jeunesse congolaise, une invitation à reprendre possession de son imaginaire, et peut-être, le début d’une révolution cinématographique qui fera enfin vibrer l’âme congolaise sur tous les écrans du pays.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Eventsrdc
