La Cour de cassation de la République Démocratique du Congo s’apprête à rendre ce mercredi 27 août son arrêt définitif dans l’affaire emblématique concernant l’ancien ministre de la Justice Constant Mutamba. L’ex-magistrat est poursuivi pour le détournement présumé de 19 millions de dollars américains initialement destinés à la construction d’une prison moderne à Kisangani, chef-lieu de la province de la Tshopo.
Cette affaire judiciaire, ouverte le 23 juillet dernier, a connu plusieurs rebondissements procéduraux, notamment la récusation d’un juge par la défense de l’ancien ministre. Après plusieurs semaines d’instruction approfondie et d’audiences contradictoires, la plus haute juridiction congolaise doit désormais trancher sur la culpabilité ou l’innocence de l’accusé.
Le dossier Constant Mutamba représente bien plus qu’une simple affaire de détournement de fonds publics. Il s’est transformé en véritable test de crédibilité pour l’appareil judiciaire congolais, souvent critiqué pour sa partialité présumée dans les affaires impliquant d’anciennes personnalités politiques. Comment la justice peut-elle regagner la confiance des citoyens si les procédures sont perçues comme instrumentalisées à des fins politiques ?
Dans les rues de Kinshasa, les opinions divergent radicalement. Pour Marie-Louise Nseka, enseignante à Matete, la sévérité s’impose : « Trop d’argent disparaît dans notre pays. S’il est reconnu coupable, il doit purger sa peine et rembourser l’État. C’est une question de dignité nationale. » Une position partagée par Béatrice Kiala, commerçante au marché central, qui s’interroge : « Comment tolérer que des millions disparaissent alors que nos enfants manquent d’écoles et d’hôpitaux ? »
À l’inverse, certains voix s’élèvent pour dénoncer un procès politique. Aïcha Ngoie, étudiante en droit à l’UNIKIN, relativise : « Ce dossier est très politisé. Si l’on veut vraiment combattre la corruption, il faut poursuivre tout le monde et pas seulement un ministre qui a osé critiquer le pouvoir. » Christine Ago, infirmière, renchérit en évoquant une possible machination : « Mutamba est jeune, brillant et dérangeant pour certains. On veut le salir pour l’écarter. »
D’autres adoptent une position plus mesurée, à l’image de Claudine Ntil, fonctionnaire, qui préfère attendre le verdict final : « Je n’ai pas d’opinion arrêtée. Nous voulons seulement que la justice soit juste, sans manipulation ni complaisance. Qu’elle dise le droit, tout simplement. » Cette prudence reflète l’attente générale d’une justice impartiale et indépendante.
Le verdict de la Cour de cassation dans le procès Constant Mutamba sera donc scruté bien au-delà du simple cadre judiciaire. Il représentera un indicateur crucial de l’état de la lutte contre la corruption en RDC et de la capacité de l’appareil judiciaire à fonctionner en toute indépendance. La crédibilité de la justice congolaise est-elle en jeu dans cette affaire ? La réponse dépendra de la perception de l’équité et de la transparence du processus.
Quelles que soient les conclusions du verdict, cette affaire aura au moins eu le mérite de susciter un débat national sur l’importance de l’intégrité dans la gestion des fonds publics et sur la nécessité d’une justice indépendante. Le détournement des fonds destinés à Kisangani n’est malheureusement pas un cas isolé, mais son traitement judiciaire pourrait créer un précédent significatif.
La société civile et les observateurs internationaux attendent avec une attention particulière ce jugement qui pourrait marquer un tournant dans la lutte contre l’impunité des élites en République Démocratique du Congo. Les opinions des femmes de Kinshasa, partagées entre critique, soutien et neutralité, reflètent parfaitement les divisions et les attentes de toute une nation face à ce procès hautement symbolique.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd