Le bruit assourdissant des explosifs résonne en pleine classe, couvrant la voix des enseignants. À Luisha, à 80 km de Lubumbashi, les élèves du Lycée Lubusha tentent tant bien que mal de se concentrer tandis que deux sociétés minières chinoises, COMILU et Excellent, grignotent progressivement le terrain de leur établissement scolaire. Une situation intolérable qui a poussé Mgr Fulgence Muteba, archevêque métropolitain de Lubumbashi, à monter au créneau lors du culte dominical.
« Comment peut-on sacrifier l’éducation des enfants sur l’autel du profit minier ? » s’interroge amèrement le prélat catholique. Le Lycée Lubusha, joyau éducatif existant depuis un demi-siècle, bien avant l’arrivée des exploitants miniers, se trouve aujourd’hui menacé de démolition. Pourtant, selon Mgr Muteba, la zone de Luisha devrait être classée comme « zone d’interdiction » où les activités minières sont incompatibles avec l’éducation et la spiritualité.
Le conflit entre l’école et les mines chinoises en RDC prend ici une dimension particulièrement symbolique. D’un côté, COMILU et Excellent, à la recherche de cuivre et de cobalt, ces minerais si convoités qui alimentent l’industrie mondiale. De l’autre, un établissement scolaire qui représente bien plus que des salles de classe : un patrimoine culturel, historique et spirituel pour toute une communauté.
« Il y a aussi la question de l’écosystème », insiste l’archevêque, rappelant que l’endroit abrite un cimetière, lieu de mémoire et de recueillement. La bataille dépasse donc la simple opposition entre éducation et exploitation minière ; elle touche à l’identité même d’une communauté, à son histoire et à sa dignité.
La détermination de Mgr Muteba est sans équivoque : « Luisha ne sera pas délocalisée de mon vivant ». Une prise de position ferme qui rappelle que certains combats valent plus que tous les minerais du monde. Mais face à la puissance économique des entreprises minières, la résistance s’annonce difficile.
D’autant que ce n’est pas la première alerte. En septembre 2022, le ministre des Mines de l’époque avait suspendu l’exploitation minière dans la concession du Lycée Lubusha pour permettre des investigations. Une décision restée lettre morte, comme tant d’autres dans un pays où l’application des lois peine souvent à suivre les bonnes intentions.
Cette affaire pose des questions fondamentales sur le modèle de développement de la RDC. Jusqu’où peut-on aller dans l’exploitation des ressources naturelles ? Quel prix sommes-nous prêts à payer, collectivement, pour extraire toujours plus de minerais ? L’éducation et le patrimoine culturel doivent-ils systématiquement céder le pas devant les impératifs économiques ?
Alors que la demande mondiale en cuivre et cobalt ne cesse de croître, alimentée par la transition énergétique et la numérisation, la pression sur les terres congolaises ne fera que s’intensifier. Le cas du Lycée Lubusha pourrait bien devenir un précédent déterminant pour l’avenir de nombreuses autres communautés confrontées aux appétits miniers.
La résistance de Mgr Fulgence Muteba et de sa communauté dépasse donc le cadre local. Elle interroge la capacité de la RDC à protéger son patrimoine éducatif et culturel face aux logiques prédatrices. Dans ce combat inégal entre une école et des géants miniers, c’est toute une vision de l’avenir du pays qui se joue à Luisha.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
