À Mbuji-Mayi, capitale du Kasaï-Oriental, un paradoxe inquiétant se joue sur les routes récemment asphaltées. Alors que des millions de dollars ont été investis dans les projets Tshilejelu et de modernisation de 80 kilomètres de voirie, l’Office des Voiries et Drainage (OVD) tire la sonnette d’alarme : les gravillons tombent en pluie sur la chaussée au passage des camions lourdement chargés. Une situation qui menace la durabilité des infrastructures et interroge sur la gestion du patrimoine routier congolais.
Comment expliquer que des entreprises chargées de construire participent involontairement à la dégradation précoce des routes ? La question hante les responsables de l’OVD qui, sur leur page Facebook, ont documenté avec photos à l’appui plusieurs sites critiques : près de la cathédrale de Bonzola, sur l’avenue Fatshi, au niveau du rond-point Cathédrale, non loin de l’ISP… Autant de points névralgiques où le bitume naissant est déjà mis à rude épreuve.
Les camions en cause proviennent principalement du polygone minier de la MIBA et d’autres carrières de pierres, transportant des matériaux pour les entreprises de construction – SAFRIMEX, JMC, CJIC, Grec 7 et d’autres sociétés privées. Un cercle vicieux se dessine : celles qui bâtissent les routes contribuent à les détruire par le transit de leurs propres véhicules surchargés.
Les conséquences sont multiples et graves. La chute de gravier sur chaussée asphaltée entraîne une dégradation accélérée du revêtement. À cela s’ajoutent les crevaisons des pneus, le vieillissement prématuré de l’infrastructure, la perte d’adhérence pour les véhicules en freinage et des risques accrus de glissade pour les motos et vélos. Autant de dangers pour les usagers et de coûts supplémentaires pour la collectivité.
José Lufuluabo, conseiller juridique de SAFRIMEX, exprime son incompréhension face à cette situation : « Il est inconcevable que la même société qui construit, qui engage des moyens par un système de préfinancement soit encore elle-même capable de commencer à détruire ces propres routes pour venir encore les rétablir. Ça n’a pas de sens ! » Son amertume traduit la frustration des entreprises qui voient leurs efforts compromis par des pratiques incontrôlées.
L’OVD propose des solutions concrètes : respect strict du chargement maximal et bâchage obligatoire des camions transportant des matériaux. Des mesures simples qui pourtant peinent à être appliquées systématiquement. La question sous-jacente est celle du contrôle et de la régulation du transport routier dans une région où l’activité minière intensive exerce une pression constante sur les infrastructures.
Cette situation à Mbuji-Mayi soulève des questions plus larges sur la gestion des projets d’infrastructure en RDC. Comment garantir la durabilité des investissements routiers dans un contexte de forte pression économique et minière ? Quels mécanismes de contrôle mettre en place pour protéger le patrimoine infrastructurel national ?
La dégradation précoce des routes de Mbuji-Mayi n’est pas qu’un problème technique – c’est le symptôme d’un défi plus large de gouvernance et de planification urbaine. Alors que la RDC investit massivement dans l’asphaltage de ses routes, l’efficacité de ces investissements dépendra de la capacité à mettre en œuvre des mécanismes de protection et de maintenance durable. L’alerte de l’OVD doit servir d’électrochoc pour une meilleure coordination entre tous les acteurs du développement infrastructurel congolais.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net