Ce samedi 23 août, une onde inhabituelle a traversé la ville de Beni au Nord-Kivu. Dans une salle comble, des centaines de regards se sont fixés sur l’écran où défilait « NUR », un film percutant qui dévoile les mécanismes cruels du recrutement forcé par les Forces démocratiques alliées (ADF). Les visages des spectateurs, marqués par des années de conflit, reflétaient tantôt l’horreur, tantôt une lueur de compréhension nouvelle.
« Comment des jeunes comme nos frères, nos fils, peuvent-ils basculer dans la violence extrême ? » Cette question, beaucoup se la posent depuis des années dans cette région meurtrie. Le film apporte des éléments de réponse troublants en montrant comment les ADF exploitent la vulnérabilité, la pauvreté et la manipulation psychologique pour grossir leurs rangs. Des méthodes sournoises qui transforment des civils en instruments de terreur.
Sekombi Katondolo, chef de mission de Bridge Way en RDC, explique la démarche derrière cette production : « L’opacité de ce groupe armé est une de ses forces principales. Comprendre son fonctionnement, identifier ses acteurs et leurs motivations devient essentiel pour désamorcer leur emprise ». Le film sert ainsi d’outil pédagogique pour démystifier l’organisation terroriste et ses techniques de recrutement.
Mais au-delà de la dénonciation, « NUR » porte un message d’espoir et de réconciliation. Le véritable défi, comme le souligne M. Sekombi, réside dans le regard que portent les communautés sur ceux qui parviennent à s’extraire de l’emprise des ADF. « Tous ne sont pas engagés de leur plein gré. Beaucoup sont contraints, menacés, manipulés. Leur donner une chance de réintégration, c’est affaiblir durablement le groupe armé ».
Cette approche innovante de sensibilisation par le cinéma s’inscrit dans une stratégie plus large de réintégration des ex-combattants en RDC. Les récits présentés dans le film montrent que ces personnes peuvent retrouver leur place dans la société, contrairement aux menaces proférées par les ADF qui affirment que toute tentative de désertion mène à la mort ou à l’emprisonnement.
La projection à Beni revêt une symbolique particulière. Cette ville et sa région subissent depuis des années les attaques répétées des ADF, faisant des milliers de victimes civiles. Le travail de sensibilisation de Bridge Way cherche à briser le cycle de la violence en s’attaquant aux racines du problème : la méconnaissance des mécanismes d’embrigadement et les préjugés envers ceux qui en réchappent.
Quel impact peut avoir un film face à des années de conflit armé dans l’Est de la RDC ? La réponse se trouve peut-être dans les visages des spectateurs à la fin de la projection. Certains, visiblement émus, engageaient des conversations animées. D’autres semblaient plongés dans une réflexion profonde. Comme si une porte s’était entrouverte vers une compréhension plus nuancée d’un conflit trop souvent réduit à sa dimension militaire.
La démarche de Bridge Way s’inscrit dans une vision à long terme de construction de la paix. En favorisant le dialogue communautaire et en luttant contre la stigmatisation, l’organisation internationale contribue à créer les conditions d’une réintégration réussie des ex-combattants. Un enjeu crucial pour la stabilisation du Nord-Kivu et l’avenir de toute la région.
Alors que les violences persistent dans l’Est de la République Démocratique du Congo, des initiatives comme la projection de « NUR » rappellent que la solution ne réside pas seulement dans les opérations militaires. La bataille pour les cœurs et les esprits, menée through la sensibilisation et l’éducation, représente un front tout aussi déterminant pour parvenir à une paix durable.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
