Face à une flambée épidémique qui a déjà fait plus de cent victimes dans la province du Maniema, les autorités sanitaires de Kindu ont déclenché une offensive multidimensionnelle contre le choléra. Cette maladie hydrique, qui prospère dans les conditions de précarité hydrique, trouve un terrain fertile dans les quartiers dépourvus d’accès à l’eau potable. La stratégie déployée repose sur deux axes complémentaires : l’assainissement immédiat des points d’eau et l’éducation sanitaire des populations.
Comment une simple source d’eau peut-elle devenir un vecteur de mort ? À Pampela, comme dans de nombreux quartiers de Kindu, la réponse est tragiquement simple : l’absence d’infrastructure de base transforme les points d’approvisionnement en foyers de contamination. Le choléra, cette infection diarrhéique aiguë, se propage par l’eau ou les aliments contaminés par la bactérie Vibrio cholerae. Sa progression foudroyante dans la région illustre cruellement le lien entre pauvreté infrastructurelle et vulnérabilité sanitaire.
L’opération lancée ce mercredi matin à la source de Pampela symbolise cette course contre la montre. Sous la supervision du ministre provincial de la Santé par intérim, Francis Masumbuko Lutaka, des équipes spécialisées ont procédé à la chloration systématique de cette source vitale pour la communauté. Le chlore, ce désinfectant puissant, représente l’une des armes les plus efficaces pour briser la chaîne de transmission. Son action rapide détruit les bactéries pathogènes, rendant l’eau momentanément potable.
Mais la chloration alone peut-elle suffire ? Le Dr Saleh Djumaini Faraani, médecin-chef de la zone de santé de Kindu, tempère l’optimisme : « Le chlore est une solution d’urgence, pas une panacée. Son efficacité dépend de la régularité des traitements et de l’adhésion de la population aux pratiques hygiéniques ». C’est pourquoi des « chlorateurs expérimentés », formés spécifiquement pour cette mission, seront déployés quotidiennement. Leur rôle dépasse la simple technique : ils doivent devenir des relais pédagogiques auprès des familles.
La deuxième composante de cette stratégie – la désinfection des ménages affectés – répond à une réalité épidémiologique implacable. Chaque foyer où un cas de choléra a été déclaré devient un réservoir potentiel de contamination. Les équipes mobiles, équipées de pulvérisateurs et de solutions désinfectantes, interviennent pour assainir l’environnement immédiat du malade. Cette approche ciblée vise à circonscrire les foyers actifs et à prévenir la propagation intra-familiale.
Pourtant, derrière l’urgence opérationnelle se profile un défi plus fondamental. Suzanne Amisi, habitante de Pampela, exprime une frustration partagée par toute sa communauté : « Le chlore nous aide aujourd’hui, mais qui nous garantit l’eau potable de demain ? ». Son interrogation touche au cœur du problème : les solutions temporaires, si nécessaires soient-elles, ne remplaceront jamais les investissements structurels. La construction de sources aménagées, de forages et de réseaux de distribution reste la condition sine qua non d’une éradication durable du choléra.
Les partenaires techniques – OMS et UNICEF en tête – soutiennent cette double approche : réponse emergency couplée à une vision long terme. Leur expertise confirme que la lutte contre le choléra exige une synergie entre interventions curatives et préventives. La sensibilisation aux gestes barrières (lavage des mains, traitement de l’eau domestique, hygiène alimentaire) constitue le troisième pilier invisible mais essentiel de ce combat.
La promesse du ministre provincial d’« interpeller les autorités compétentes » pour une solution pérenne ouvre une lueur d’espoir. Reste à transformer cet engagement politique en réalisations concrètes. Car le choléra n’est pas qu’une maladie : c’est le symptôme d’un déficit développemental qui affecte des milliers de congolais au quotidien. L’eau potable, ce droit fondamental, reste inaccessible pour trop d’habitants du Maniema.
Alors que les équipes de chloration poursuivent leur travail méticuleux de source en source, une question persiste : combien de temps devrons-nous attendre avant que chaque famille de Kindu puisse boire sans craindre pour sa vie ? La réponse déterminera non seulement l’issue de cette épidémie, mais aussi la résilience future de toute une région face aux crises sanitaires.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd