Dans le paysage politique congolais marqué par des tensions persistantes, le Président de l’Assemblée nationale Vital Kamerhe opère un repositionnement stratégique en épousant la cause du dialogue national. Alors que la République démocratique du Congo fait face à une agression rwandaise via le M23 dans sa partie orientale, cette prise de position intervient dans un contexte où la recherche de cohésion nationale devient impérative.
Lors d’une conférence de presse tenue ce mardi suite à son entretien avec le chef de la diplomatie belge Maxime Prévot, Kamerhe a livré un discours pour le moins équilibré : « Il est content de voir que nous avançons dans le sens de rechercher la paix mais qui veut la paix prépare la guerre ». Une formule qui, sous couvert de sagesse populaire, ne masque qu’imparfaitement les calculs politiques sous-jacents. Le numéro deux de l’institution parlementaire congolaise semble ainsi vouloir capitaliser sur les initiatives diplomatiques internationales tout en se positionnant comme promoteur du dialogue interne.
Cette évolution idéologique n’est pas sans rappeler le revirement du Président Félix Tshisekedi, précédemment réticent à l’idée d’un dialogue national inclusif. L’acceptation de recevoir la CENCO et l’ECC, porteurs du « Pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble », marque un infléchissement notable de la position présidentielle. Les églises congolaises militent en effet pour un forum national capable de traiter les causes profondes des conflits qui minent le pays.
Mais derrière cette apparente unanimité se cachent des divergences substantielles. Les confessions religieuses, dont l’église de réveil branche de Dodo Kamba, reprochent au Pacte social de ne pas reconnaître explicitement l’agression rwandaise via le M23 et les acquis constitutionnels fondamentaux. Ces réserves soulèvent une question cruciale : un dialogue national peut-il véritablement aboutir sans une reconnaissance préalable des réalités géopolitiques et des fragilités institutionnelles ?
La mise en place du Conseil Inter-Religieux Congolais (C.I.C.), suite aux instructions du Chef de l’État, témoigne de la complexité du processus. Huit confessions religieuses unissent leurs expertises pour examiner les documents proposés par la CENCO-ECC, identifiant autant de zones d’amélioration que de qualités. Cette démarche collective, bien que louable, risque-t-elle de diluer l’impact initial du Pacte social ?
La position de Vital Kamerhe, oscillant entre soutien aux initiatives internationales et promotion du dialogue interne, reflète les contradictions d’une classe politique tiraillée entre urgences sécuritaires et nécessités sociales. En affirmant que « le Président entouré de toutes les forces politiques et sociales est plus fort », le président de l’Assemblée nationale esquisse une vision inclusive du pouvoir. Mais cette inclusion ne risque-t-elle pas de se heurter aux réalités du terrain et aux intérêts divergents des acteurs ?
Alors que les experts religieux planchent sur les documents cadres, la question de la représentativité véritable de ce dialogue se pose avec acuité. Le processus pourra-t-il intégrer les voix souvent marginalisées des populations directement affectées par les conflits ? La reconnaissance de l’agression rwandaise et la défense des acquis constitutionnels resteront-elles des points de friction ou deviendront-elles des consensus fondateurs ?
Dans ce jeu d’équilibre délicat entre diplomatie internationale et dialogue interne, la crédibilité des institutions congolaises se joue peut-être. La capacité à transcender les clivages politiques et religieux pour construire une cohésion nationale durable représentera le véritable test de maturité démocratique pour la RDC.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd