Dans les terres ancestrales du Tanganyika, un silence séculaire se brise. « Nous voulons obtenir la rétrocession des terres aux Pygmées pour relancer des activités de régénération de la biodiversité », lance Jean-Pierre Kapalay, coordonnateur provincial de la CONAPAC. Sa voix porte l’écho de decades d’injustice foncière, mais aussi l’espoir d’une réconciliation territoriale.
Le territoire de Nyunzu, théâtre de tensions historiques entre communautés pygmées et bantouses, vit un moment charnière. Une trentaine de participants – chefs coutumiers, leaders autochtones et représentants communautaires – se sont réunis autour d’une table de dialogue. L’enjeu? Rien de moins que l’accès à la terre pour les peuples autochtones pygmées, ces gardiens méconnus de la biodiversité congolaise.
Comment en est-on arrivé à devoir négocier l’accès à des terres ancestrales? La question plane dans l’air chaud du Tanganyika. Les Pygmées, premiers habitants de ces territoires, se retrouvent paradoxalement exclus de leurs propres terres. Sans titre foncier, sans reconnaissance administrative, leur existence même sur ces terres devient précaire.
Le programme RECAPTER, financé par l’Union européenne, apporte une lueur d’espoir. Porté par la Confédération nationale des producteurs agricoles du Congo et Caritas Développement Kalemie-Kirungu, ce projet vise à renforcer les capacités des organisations de la société civile. Mais au-delà des acronymes et des financements, il s’agit d’une question de dignité humaine.
« L’accompagnement dans les démarches administratives est crucial », explique un participant. Les arcanes bureaucratiques congolaises représentent souvent un obstacle infranchissable pour des communautés marginalisées. Obtenir un titre foncier relève du parcours du combattant – un combat inégal où les Pygmées partent avec un handicap historique.
La cohabitation pygmées-bantous dépasse le simple partage territorial. Elle touche à l’âme même de la région du Tanganyika. Comment construire une paix durable sans justice foncière? Comment parler de développement inclusif quand une partie de la population vit en périphérie de ses propres terres?
Les chefs coutumiers présents semblent conscient de l’urgence. Leur présence à cette table de négociation marque un tournant significatif. Eux qui détiennent traditionnellement l’autorité sur les terres reconnaissent désormais la nécessité d’une redistribution plus équitable.
Le projet RECAPTER UE pourrait servir de modèle pour d’autres régions de la RDC. La question des droits autochtones au Congo dépasse le seul territoire de Nyunzu. Elle interroge notre capacité collective à construire une nation véritablement inclusive.
Mais le chemin reste semé d’embûches. Les obstacles à l’accès terre pygmées Tanganyika sont multiples : traditions ancestrales, résistances bureaucratiques, méfiances intercommunautaires. La route vers la cohabitation pacifique sera longue, mais chaque dialogue constitue un pas en avant.
La biodiversité elle-même est en jeu. Les Pygmées, par leur mode de vie traditionnel, contribuent à la préservation des écosystèmes. Leur marginalisation foncière menace donc directement l’équilibre écologique de la région.
Au-delà des titres fonciers et des documents administratifs, c’est une nouvelle conception du vivre-ensemble qui se dessine progressivement dans le Tanganyika. Une vision où Pygmées et Bantous pourraient enfin partager équitablement les ressources et construire ensemble un avenir commun.
Le programme RECAPTER représente plus qu’un simple projet de développement. Il incarne l’espoir d’une réconciliation territoriale qui pourrait servir d’exemple pour toute la République Démocratique du Congo. Reste à transformer ces dialogues en actions concrètes, ces paroles en titres de propriété, ces espoirs en réalités tangibles.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net