La tension monte d’un cran au Nord-Kivu où une vingtaine de députés provinciaux ont déclenché une offensive parlementaire contre le gouverneur Evariste Kakule Somo. Dans une missive cinglante datée du 15 août 2025, les élus dénoncent le non-paiement des agents provinciaux depuis trois mois, une situation qualifiée d’« étouffement financier » des institutions locales. Le cœur du conflit ? Des accusations croisées sur la gestion des fonds publics sous le régime exceptionnel de l’état de siège en RDC.
Les parlementaires provinciaux pointent deux griefs majeurs : la rétention de la quote-part budgétaire de l’assemblée provinciale et la violation flagrante, selon eux, des dispositions de l’ordonnance instituant l’état de siège. Dans leur offensive épistolaire, ils suggèrent que le non-paiement des salaires relèverait moins d’une pénurie que d’une stratégie de concentration des pouvoirs. Le général Kakule Somo, contacté ce lundi par Radio Okapi, a balayé ces accusations d’un revers de main martial.
« Nous avons réussi à payer les agents du gouvernement quatre fois », a-t-il affirmé, reconnaissant toutefois un retard pour le cinquième mois. Son argumentaire repose sur un triptyque défensif : l’achèvement d’un « contrôle physique » des agents, la promesse de paiements « dès cette semaine », et surtout, l’évocation d’une unique rétrocession budgétaire reçue de Kinshasa depuis sa prise de fonction. Une justification qui soulève une question cruciale : dans quelle mesure l’état de siège paralyse-t-il réellement la circulation des fonds vers les provinces ?
Le ton s’est particulièrement envenimé lorsque le gouverneur a évoqué une possible manipulation des élus contestataires : « Ce que disent les députés, cela n’engage qu’eux. Ils doivent faire attention à ne pas se laisser manipuler. Être représentant du peuple implique de grandes responsabilités ». Une sortie qui sonne comme un avertissement politique à peine voilé, minimisant au passage la portée de la protestation en la réduisant à l’action d’« une partie des élus » seulement.
En toile de fond de cette crise aiguë persiste le défi de la gouvernance sous état de siège. Kakule Somo a souligné les « efforts herculéens » déployés pour maintenir à flot l’administration provinciale malgré ce cadre exceptionnel. Pourtant, les carences budgétaires récurrentes interrogent sur l’efficacité du mécanisme de rétrocession depuis la capitale. Le gouverneur joue désormais sa crédibilité sur un calendrier serré : ses promesses de paiement immédiat constitueront-elles l’épilogue de cette crise ou son amplification ?
Cette séquence conflictuelle illustre les tensions structurelles entre exécutif provincial et législatif dans l’est congolais. Alors que la rétrocession du budget provincial demeure le nerf de la guerre, Evariste Kakule Somo devra résoudre une équation complexe : apaiser la colère des fonctionnaires tout en désamorçant la fronde parlementaire. Les prochains jours s’annoncent décisifs, avec un risque latent de cristallisation des mécontentements dans une province où l’état de siège n’a pas endigué les crises administratives.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net