Dans l’étouffante chaleur de Bunia, un cri déchire le silence complice : celui de centaines de milliers de déplacés oubliés, de veuves réduites au silence, d’orphelins condamnés à errer. Réunis en synode du 14 au 17 août, plus de cent leaders religieux de l’Église du Christ au Congo (ECC) Ituri–Haut-Uele ont transformé leur assemblée en tribune d’urgence. Leur appel solennel résonne comme un électrochoc : la solidarité nationale et internationale ne peut plus attendre face à l’hécatombe humaine que subissent ces provinces martyres.
Les conflits armés qui ravagent l’Ituri et le Haut-Uele ont engendré une crise humanitaire aux proportions insoutenables. Combien d’enfants dormiront ce soir le ventre vide dans des camps de fortune ? Combien de blessés de guerre agoniseront sans soins ? Ces questions hantent les responsables religieux qui décrivent une réalité cauchemardesque : écoles réduites en cendres, centres de santé pillés, champs agricoles abandonnés. La reconstruction des infrastructures RDC n’est plus un projet, mais une course contre la mort.
« Au-delà des sacs de riz et des tentes, c’est l’âme de nos communautés qu’il faut ressusciter », insiste un pasteur présent au synode, la voix nouée d’émotion. Le plan présenté est ambitieux : relancer d’urgence les activités agricoles pour briser le cycle de la dépendance alimentaire, rebâtir pierre par pierre les écoles et dispensaires, créer des espaces sécurisés pour les femmes victimes de violences sexuelles. Cet appel solidarité ECC Ituri vise à transformer l’aide d’urgence en résilience durable.
L’analyse des leaders religieux brosse un tableau sans concession de l’enfer quotidien. Dans le Haut-Uele, le phénomène Mbororo ajoute une couche de terreur aux exactions des groupes armés, dont les tristement célèbres ADF. Massacres, enlèvements contre rançon, viols systématiques – le synode dresse un réquisitoire accablant contre ces crimes qui défient l’humanité. Pourtant, une lueur d’espoir persiste : les participants saluent les efforts timides du gouvernement pour restaurer l’autorité de l’État. Mais est-ce suffisant face à la marée montante de la violence ?
« Les autorités doivent assumer leur rôle régalien sans détour », tonne un évêque lors des débats. Le synode exige des stratégies claires et coordonnées, fondées sur le strict respect des droits humains. Comment protéger les civils quand les postes de police sont désertés et que l’armée peine à contenir les milices ? Cette question cruciale reste sans réponse tangible pour les déplacés de guerre Haut-Uele qui survivent dans l’angoisse permanente.
Dans cette tourmente, l’ECC réaffirme son ancrage comme rempart moral. Le synode ECC solidarité puise dans les valeurs chrétiennes de justice et de réconciliation pour bâtir des ponts entre communautés déchirées. Des comités locaux de médiation seront déployés, des cellules d’écoute créées dans les paroisses, des programmes éducatifs sur la cohésion sociale intensifiés. « La paix ne se décrète pas, elle se construit dans le pardon et le dialogue », rappelle la déclaration finale.
Alors que le soleil se couchait sur Bunia, la résolution la plus forte fut peut-être celle-ci : refuser la fatalité. Dans ces terres meurtries par des décennies de conflits armés Ituri, l’Église plante un drapeau d’espérance. Mais cet espoir restera vain sans un sursaut collectif. La communauté internationale entend-elle cet appel étouffé par le bruit des armes ? Les autorités congolaises mesurent-elles l’urgence de transformer les promesses en actes ? Des milliers de vies suspendues à ces questions attendent une réponse qui ne viendra pas trop tard.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
