L’interpellation éclair du pasteur Paul Mukendi, fondateur de l’Église Parole de vie, ne dura que trente minutes avant sa relaxation immédiate. Cet épisode singulier, survenu après le culte du jeudi soir, soulève d’emblée une interrogation cruciale : simple formalité sécuritaire ou avertissement politique déguisé à l’endroit d’un critique vocal du gouvernement Suminwa ? Dans un live Facebook post-relaxation, le leader religieux, soutien déclaré du président Félix Tshisekedi, tenta d’apaiser ses fidèles avec des paroles rassurantes mais chargées de sous-entendus.
« Soyez en paix. Je suis dans mon pays et libre », déclara Mukendi, rejetant toute idée d’arrestation en plein culte. Son récit contraste radicalement avec les témoignages de son entourage, qui évoquèrent à Ouragan un enlèvement mené par « une quarantaine d’hommes armés » l’ayant conduit au Conseil national de sécurité. Cette divergence narrative n’est-elle pas révélatrice des tensions sous-jacentes ? Pour ses proches, l’incident constitue une intimidation flagrante liée à ses prises de position médiatiques récentes. « Ils veulent faire taire notre pasteur », dénonça un témoin de l’Église Parole de vie.
La cible implicite de cette affaire semble pointer vers le pouvoir exécutif. Rappelons que lors d’une interview retentissante, Paul Mukendi avait vigoureusement rejeté la composition du gouvernement Suminwa II, qualifiant cet exécutif de déconnecté des réalités populaires. « Le président a semblé ignorer les priorités de la population », asséna-t-il, fustigeant un « mépris des dirigeants » et appelant à éviter les nominations amicales. Son interpellation survient comme un écho troublant à ces critiques, alors même qu’il prenait soin de remercier Tshisekedi dans son live, priant pour sa bénédiction divine.
Cette séquence rapide – interpellation, relaxation et médiatisation immédiate – s’apparente à un jeu d’échecs politique. D’un côté, le pasteur utilise sa plateforme pour affirmer sa liberté tout en maintenant ses griefs contre l’équipe Suminwa. De l’autre, les autorités semblent tester les limites de la contestation religieuse. Les « ennemis de la République » évoqués par Mukendi dans sa vidéo incarnent-ils une réelle menace ou servent-ils de miroir aux fractures gouvernementales ? L’incident expose crûment la volatilité des alliances dans l’arène congolaise, où les soutiens d’hier deviennent les cibles d’aujourd’hui.
La relaxation de Paul Mukendi ne clôt pas le dossier mais ouvre plutôt un chapitre plus périlleux. En dénonçant une tentative de musèlement tout en adressant des remerciements présidentiels, le pasteur esquive la confrontation frontale mais maintient sa critique institutionnelle. Le gouvernement Suminwa saura-t-il digérer cette fronde dissimulée en acte de foi ? L’équilibre précaire entre liberté d’expression et stabilité politique se rejoue ici en miniature, avec pour prochain enjeu la capacité du pouvoir à tolérer les voix dissonantes issues de ses propres rangs. Le culte terminé, la messe politique ne fait que commencer.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net