Dans le tourbillon envoûtant de Buenos Aires, où les fantômes du tango murmurent encore dans les ruelles pavées, Yolande Elebe Ma Ndembo trace son sillage. La ministre congolaise de la Culture, Arts et Patrimoine, en mission diplomatique en Amérique latine, se fait archéologue des âmes, déchiffrant les palimpsestes culturels de l’Argentine. Son périple, bien plus qu’une simple visite protocolaire, ressemble à une quête alchimique où se mêlent mémoire collective et dialogue des civilisations.
Au Teatro Colón, cathédrale lyrique aux ors étincelants, son pas résonne sous les coupoles où Caruso chanta jadis. Comment ne pas frémir devant cette symphonie de marbre et de stuc, où chaque colonne corinthienne semble porter les soupirs de cent ans de mélodies ? L’édifice, chef-d’œuvre acoustique mondial, devient sous sa contemplation un miroir tendu aux scènes congolaises, interrogeant la transmission des arts vivants. Les voûtes néo-renaissance, baignées de lumières dorées, racontent l’obsession d’un peuple pour la beauté transcendante – un langage universel que Kinshasa entend décrypter.
Puis ce fut le Palacio Libertad, sanctuaire historique du quartier San Nicolás, où les murs ocre rouge exhalent les parfums de l’histoire argentine. Entre les fresques murales illustrant l’épopée de Domingo Faustino Sarmiento, la ministre perçoit l’écho des combats pour l’éducation et l’émancipation. Chaque vitrail, chaque mosaïque vénitienne devient parabole d’une résilience culturelle qui fait écho aux luttes congolaises. N’est-ce point là l’essence même de toute coopération culturelle RDC Uruguay ? Trouver dans les strates du passé les racines communes pour cultiver l’avenir.
Cette odyssée patrimoniale s’inscrit dans le sillage de l’accord culturel international scellé à Montevideo le 6 août dernier avec l’Uruguay. Un pacte visionnaire où vibrent des engagements concrets : valorisation des héritages afro-descendants, jumelages d’institutions sœurs, législation partagée sur les droits d’auteur. La mission ministérielle en Amérique latine prend ainsi des allures de rhizome, tissant entre continents des liens organiques par-delà les océans. Buenos Aires, carrefour des influences européennes et latines, offre un modèle de conservation où puiser inspiration.
Dans les salons feutrés du Centro Cultural Kirchner, où la ministre échangea avec les gardiens de la mémoire argentine, se joue une partition subtile. Comment transformer ces découvertes en leviers pour le patrimoine culturel congolais ? Les archives photographiques des communautés afro-argentines, ces visages oubliés ressurgis des brumes de l’histoire, résonnent étrangement avec les trésors immatériels du Kongo Central. Un dialogue des mémoires s’esquisse, promesse de résidences d’artistes et d’expositions numériques conjointes.
Cette exploration, empreinte d’une sensibilité presque poétique, dépasse le cadre diplomatique. Elle est plongée dans l’intimité créatrice d’une nation, main tendue vers les créateurs des deux continents. Alors que les projecteurs s’éteignent sur le Teatro Colón, une certitude demeure : les ponts construits par Yolande Elebe Ma Ndembo feront vibrer longtemps les scènes de Kinshasa et de Buenos Aires, unies dans une même chorégraphie culturelle.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Eventsrdc