Une mère serre contre elle son enfant aux côtes saillantes dans le camp de Njiapanda, son regard vide trahissant l’impuissance. « Depuis trois mois que nous avons fui les ADF, personne ne nous a tendu la main », murmure-t-elle, résumant la détresse de milliers de déplacés du secteur de Bapere. L’administrateur du territoire de Lubero, le colonel Alain Kiwewa, a tiré la sonnette d’alarme ce jeudi : ces populations oubliées sombrent dans une crise humanitaire silencieuse.
Dans les localités de Njiapanda et Mangurujipa, l’urgence est double. D’abord, les ventres creux : « La malnutrition frappe particulièrement les enfants à cause d’une alimentation insuffisante », déplore l’autorité politico-administrative. Certains enfants ne reçoivent aucune aide nutritionnelle, une situation qui interroge : comment la RDC, riche de ses ressources, peut-elle laisser ses enfants dépérir dans l’indifférence ?
Ensuite, l’avenir qui se ferme. À quelques semaines de la rentrée scolaire nationale, des milliers d’enfants déplacés risquent de rester à l’écart des salles de classe. « Leurs parents sont totalement démunis », insiste le colonel Kiwewa, lançant un appel ciblé : « Je demande à l’UNICEF d’examiner comment fournir des kits scolaires à ces enfants ». Sans cahiers ni stylos, comment reconstruire un avenir dans cette partie du Nord-Kivu meurtrie ?
La crise prend racine dans l’insécurité persistante. Ces familles ont fui il y a trois mois l’offensive des rebelles ADF, trouvant refuge dans un dénuement total. « La population de Mangurujipa et Njiapanda n’a jamais bénéficié d’aucune assistance », souligne l’administrateur, pointant un angle mort de l’aide humanitaire en RDC. Pendant que les projecteurs médiatiques braquent Goma ou Bunagana, Bapere souffre dans l’ombre.
Cette situation met en lumière les fractures de la réponse humanitaire congolaise. Pourquoi certaines zones de déplacés reçoivent-elles des vivres tandis que d’autres sont abandonnées à leur sort ? La coordination des acteurs humanitaires montre ici ses limites criantes. Les kits scolaires et les supplements nutritionnels promis tardent à arriver, condamnant une génération entière à la précarité.
Derrière les statistiques anonymes – des milliers de déplacés à Lubero – se cache une réalité humaine déchirante. Des enfants dont la croissance est compromise par le manque de nutriments essentiels. Des parents humiliés de ne pouvoir offrir un cahier à leur progéniture. L’appel du colonel Kiwewa résonne comme un test pour la solidarité nationale et internationale : jusqu’où laisserons-nous s’enfoncer ces communautés du Nord-Kivu avant d’agir ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net