« À 17 ans, Jacques* a tenu une kalachnikov avant son premier manuel scolaire. Recruté de force par les ADF, il a vu ses amis mourir pour des causes qui n’étaient pas les leurs. Aujourd’hui en fuite, il murmure : ‘Je ne savais pas que je devenais le bourreau de mon propre village’ ». Ce témoignage glaçant, collecté dans un centre de réinsertion de Beni, illustre l’urgence soulignée par Guy Kibira ce 12 août.
À l’occasion de la Journée internationale de la jeunesse, le chef de division provinciale de la Jeunesse du Nord-Kivu a lancé un appel vibrant aux adolescents des zones en conflit. Dans un discours percutant, il a exhorté la jeunesse Beni et des provinces voisines à rompre tout lien avec les milices armées qui ensanglantent l’est de la RDC. « Quand les jeunes rejoignent ces groupes, ils se transforment en instruments de destruction contre leurs frères et sœurs », a-t-il martelé, la voix chargée d’émotion.
Comment expliquer cet enrôlement massif des jeunes dans les conflits armés ? Pour Guy Kibira, la réponse tient en un mot : manipulation. Des promesses fallacieuses d’argent ou de pouvoir, des discours communautaires enflammés, l’exploitation de la précarité économique – autant de pièges tendus à des adolescents désœuvrés. « Ces groupes leur volent leur avenir en échange d’une arme qu’ils ne savent même pas manier », dénonce une travailleuse sociale de Goma.
Le constat est implacable : les premiers victimes de cette spirale infernale sont précisément les populations locales. Combien de mères ont enterré leurs fils tués dans des combats absurdes ? Combien de villages ont vu leurs espoirs anéantis par des jeunes transformés en prédateurs ? Ce désengagement des groupes armés n’est pas qu’une question de sécurité, c’est une bataille pour l’âme de la jeunesse congolaise.
Derrière cet appel se profile une réalité sociale criante. Dans les territoires de Beni, Bunia ou Bukavu, le chômage des jeunes frôle les 70%. Les écoles fermées par les conflits privent toute une génération d’éducation. Comment s’étonner alors que certains voient dans les kalachnikovs une sinistre promesse de reconnaissance ? « Offrez-nous des fermes, pas des fusils », supplie une lycéenne rencontrée près du marché central de Beni.
Pourtant, l’espoir persiste. Des programmes de réinsertion commencent à porter leurs fruits. À Musienene, d’anciens miliciens apprennent maintenant l’agroécologie. À Butembo, des centres psychologiques accueillent ceux qui ont fui les groupes armés. Mais ces initiatives restent des gouttes d’eau face à l’océan de besoins. La Journée jeunesse Nord-Kivu doit-elle se limiter à des discours, ou devenir le catalyseur d’un véritable plan d’action ?
Le défi est colossal. Comment reconstruire l’avenir quand les balles sifflent encore ? Comment convaincre un adolescent que son champ vaut plus qu’un fusil ? La réponse de Guy Kibira fuse, claire comme un coup de machette dans la brousse : « L’attachement à notre patrie doit être plus fort que les promesses des manipulateurs ». Dans l’est de la RDC, la paix ne se négociera pas seulement sur les champs de bataille, mais dans le cœur de chaque jeune Congolais. Combien de Guy Kibira faudra-t-il pour que l’espoir triomphe de la kalachnikov ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net