Les gaz lacrymogènes ont étouffé les voix ce mardi 12 août à Kenge. Sur la tribune centrale du chef-lieu du Kwango, des centaines de jeunes venus protester contre la misère endémique de leur province ont été violemment dispersés par les forces de l’ordre. « Ils ont traité nos revendications légitimes comme un crime », souffle Jonathan, étudiant de 22 ans, les yeux encore rougis. Une protestation des jeunes à Kenge pourtant annoncée dans les règles, selon le Conseil provincial de la jeunesse, qui avait officiellement saisi les autorités urbaines.
Dans leur mémorandum, un cri du cœur : l’abandon des projets gouvernementaux dans le Kwango. Le Parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo devait électrifier Kenge, un hôpital moderne était promis, la lutte antiérosive aussi. Des engagements solennels du Président et de la Première ministre lors de leurs passages. Mais aujourd’hui, que reste-t-il de ces promesses ? « Nous vivons comme des fantômes sur notre propre terre », accuse Marie, membre d’une association féminine. Sans électricité, sans eau potable, avec des routes défoncées et des centres de santé délabrés, la province pourtant voisine de Kinshasa semble rayée de la carte.
La situation est un cruel paradoxe. À seulement 250 km de la capitale congolaise, le Kwango compte parmi les provinces les plus pauvres de la RDC. Ses 5 km de route asphaltée symbolisent le délabrement général. L’interconnexion entre territoires relève du parcours du combattant, et la malnutrition frappe durement des zones comme Panzi ou Kasongolunda. Comment expliquer que ces terres arables ne nourrissent même pas leurs enfants ? Les jeunes pointent un abandon systémique.
Face à cette détresse sociale, la dispersion du sit-in jette de l’huile sur le feu. « Cette répression est le symbole de notre invisibilité », dénonce le président du Conseil jeunesse. Les manifestants réclament désormais une séance de travail urgente avec les élus du Kwango. Jusqu’où iront-ils pour défendre les intérêts de leur province ? La question brûle toutes les lèvres à Kenge.
Derrière cette protestation, c’est tout un système qui vacille. Ces jeunes du Kwango, en réclamant simplement l’exécution des projets socio-économiques promis, soulèvent une question fondamentale : la RDC peut-elle continuer à sacrifier ses périphéries ? L’abandon des politiques publiques dans cette région stratégique alimente un sentiment d’injustice qui dépasse largement les revendications matérielles. Quand une génération entière perd confiance dans les institutions, que reste-t-il du contrat social ? Le sit-in dispersé de Kenge pourrait bien être le premier acte d’une colère bien plus profonde.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd