Sur les eaux tranquilles du lac Albert, des cages flottantes renferment bien plus que des poissons : elles symbolisent l’espoir retrouvé d’anciens combattants. Emmanuel Tibasima Kiza, ex-milicien et père de six enfants, plonge ses mains calleuses dans l’eau fraîche pour nourrir les tilapias. « Ce travail construit la paix mieux que les armes. Je gagne 10$ par jour maintenant, de quoi envoyer mes enfants à l’école et les nourrir décemment », confie-t-il, un sourire radieux éclairant son visage marqué par les années de conflit.
Son témoignage illustre la réussite du projet de réinsertion ex-miliciens RDC porté par la MONUSCO dans cette région meurtrie de l’Ituri. En six mois seulement, une centaine d’anciens combattants et de membres des communautés locales ont troqué kalachnikovs et machettes contre des filets et des aliments pour alevins. Le programme DDR (Désarmement, Démobilisation, Réinsertion) a transformé ces hommes en spécialistes de l’aquaculture Ituri, une compétence vitale dans une région où la raréfaction des ressources halieutiques menace la sécurité alimentaire.
« Avant, je ne savais que manier une arme. Aujourd’hui, je maîtrise la fabrication de cages flottantes, le tissage de filets et la production de nourriture artisanale », explique un bénéficiaire rencontré sur les berges boueuses. Ces savoir-faire techniques, transmis par des experts lors de formations intensives, sont désormais très prisés dans les camps de pêche environnants. La reconversion professionnelle miliciens prend ici une dimension concrète : chaque cage installée représente une alternative palpable à l’enrôlement dans les groupes armés.
L’impact dépasse largement la simple génération de revenus. Grâce à l’élevage poissons lac Albert, plusieurs bénéficiaires comme Emmanuel ont lancé leurs propres fermes aquacoles. Plus de 50 000 alevins grandissent actuellement dans ces structures, créant une dynamique économique locale vertueuse. « Quand un jeune voit qu’on peut gagner sa vie honnêtement, il hésite à rejoindre la brousse », analyse un formateur du projet MONUSCO DDR.
Cette initiative démontre avec force que l’inclusion socio-économique constitue un pilier essentiel de la stabilisation. Les violences communautaires reculent là où émerge une prospérité partagée. Pourtant, des défis persistent : comment pérenniser ces activités lorsque le soutien onusien prendra fin ? Et comment étendre ce modèle à d’autres zones en conflit ?
Les cages flottantes du lac Albert offrent une réponse silencieuse mais éloquente à l’instabilité chronique. Chaque poisson élevé par ces mains jadis belliqueuses incarne une victoire sur la fatalité de la violence. Comme le souligne Emmanuel en ajustant son filet : « Le Congo de demain se construit ici, avec notre travail, pas avec des balles ». Dans cette région tourmentée, l’aquaculture se révèle être bien plus qu’une technique d’élevage : une véritable stratégie de paix.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net