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RDC: Les Pygmées de l’Est, otages de l’insécurité et de lois inappliquées

« Chaque jour est un combat pour survivre », murmure Bakali, père de cinq enfants dans un campement pygmée du Nord-Kivu. Son regard se perd vers la forêt interdite, zone de conflits armés où sa communauté ne peut plus chasser ni cueillir. Comme des centaines de familles autochtones en RDC, ils vivent un calvaire silencieux, coincés entre l’insécurité chronique de l’Est Congo et l’indifférence des pouvoirs publics.

Ce samedi 9 août, plusieurs ONG locales ont tiré la sonnette d’alarme à l’occasion de la Journée internationale des peuples autochtones. Leur constat est sans appel : les conditions de vie des Pygmées restent « calamiteuses » malgré l’adoption en 2022 d’une loi historique portant protection et promotion des droits des peuples autochtones. Comment une avancée législative majeure peut-elle rester lettre morte ? La réponse se niche dans la réalité du terrain, où les groupes armés font la loi.

Vicar Hangi Batundi, coordonnateur du FDAPID Nord-Kivu, organisation en première ligne, reconnaît des progrès symboliques : « Ce qui est à féliciter, c’est qu’il y a des avancées sur le plan légal. La RDC dispose désormais d’un cadre juridique ». Mais son ton se durcit aussitôt : « Certains vivent dans des zones d’insécurité totale, sans accès à la forêt, perdent leurs terres, et ne peuvent pas jouir de leurs droits. La vie devient de plus en plus compliquée ».

Les témoignages recueillis par congoquotidien.com dessinent une tragédie en trois actes. D’abord, l’exclusion territoriale : près de 70% des Pygmées interrogés dans le Kivu ont été chassés de leurs terres ancestrales par l’expansion agricole ou minière. Ensuite, la précarité sanitaire : moins de 20% ont accès à un centre de santé à moins de 10 km. Enfin, la violence systémique : femmes et enfants subissent discriminations et violences dans l’indifférence générale.

Le FDAPID lance un cri d’alarme aux autorités congolaises et à la communauté internationale. « Sans application concrète de la loi, les textes ne sont que du papier », insiste Batundi. Son organisation documente chaque semaine des cas de spoliation où des autochtones sont dépossédés de leurs terres sans compensation. Une réalité d’autant plus cruelle que ces communautés dépendent intrinsèquement de leur environnement forestier.

L’insécurité Est Congo agit comme un multiplicateur de vulnérabilité. Dans les zones rouges du Nord-Kivu, les Pygmées deviennent des cibles faciles pour les milices qui pillent leurs maigres récoltes. Privés de refuge dans la forêt – leur sanctuaire traditionnel – ils errent dans un no man’s land où même l’aide humanitaire peine à pénétrer. Comment protéger ces premiers habitants du Congo quand leur territoire est transformé en champ de bataille ?

La question dépasse le cadre humanitaire. Elle touche à l’identité même de la RDC, riche de sa diversité culturelle. Les peuples autochtones pygmées, gardiens de savoirs ancestraux sur la biodiversité, voient leur existence menacée par une marginalisation institutionnelle. Leur espérance de vie ne dépasse pas 45 ans, soit 20 ans de moins que la moyenne nationale. Un indicateur implacable de l’échec des politiques d’inclusion.

Alors que Kinshasa affiche des ambitions de développement, le sort des Pygmées interroge la sincérité des engagements. La loi existante pourrait être un levier puissant si elle était dotée de moyens et de volonté politique. Le FDAPID propose des solutions concrètes : cartographier les terres autochtones, créer des couloirs humanitaires sécurisés, et intégrer des représentants pygmées dans les instances locales. Des mesures urgentes pour éviter que le patrimoine vivant du Congo ne disparaisse dans l’indifférence.

En cette Journée internationale, la célébration a un goût amer. Derrière les discours officiels, des enfants pygmées continuent de mourir de maladies curables à quelques kilomètres des cliniques privées de Goma. Tant que la loi restera un vœu pieux et que l’insécurité gangrènera l’Est, les peuples premiers du Congo paieront le prix fort d’une paix inachevée. Leur survie n’est pas qu’une question de droits : c’est un test pour la conscience nationale.

Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net

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Chloé Kasong
Chloé Kasong
Issue de Kinshasa, Chloé Kasong est une analyste rigoureuse des enjeux politiques et sociaux de la RDC. Spécialisée dans la couverture des élections, elle décortique pour vous l’actualité politique avec impartialité, tout en explorant les mouvements sociaux qui façonnent la société congolaise. Sa précision et son engagement font d'elle une voix incontournable sur les grandes questions sociétales.
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