Dans un contexte sécuritaire délétère, Goma accueille depuis lundi une cinquantaine de producteurs et exportateurs de café congolais venus des provinces du Nord et Sud-Kivu. Cette 2e édition de la conférence et concours de qualité, organisée par CongoAgri et African Coffee Connect, se déroule sous le thème éloquent : « La résilience du secteur du café congolais face aux défis sécuritaires et socioéconomiques de la région ». Comment relancer une filière en pleine zone de guerre ?
Ghislain Mupenzi Kamondo, porte-parole des organisateurs, souligne le caractère vital de l’événement : « Les producteurs n’avaient plus d’espoir. La guerre est survenue au moment crucial du lancement de la campagne agricole ». Pourtant, contre toute attente, ces deux jours d’échanges techniques et de dégustations expertes visent à positionner le café congolais sur le marché mondial. Le mécanisme est rodé : les coopératives présentent des micro-lots évalués par un jury international avant une vente aux enchères ciblant les acheteurs premiums.
Le Nord-Kivu, qui produit près de 15% du café national, affiche une résilience économique remarquable. Les défis sont pourtant colossaux : insécurité persistante, routes impraticables pendant la saison des pluies, et coûts logistiques multipliés par cinq depuis la recrudescence des conflits. Malgré cela, la qualité du café RDC continue de séduire les spécialistes, avec des notes régulièrement supérieures à 85/100 lors des compétitions internationales.
Cette conférence café à Goma constitue un signal fort envoyé aux investisseurs. Les organisateurs ont innové en intégrant des ateliers sur la traçabilité blockchain et l’agriculture régénérative – des leviers cruciaux pour valoriser les productions locales. « La résilience ne se mesure pas qu’à la quantité récoltée, mais à notre capacité à maintenir des standards d’excellence », explique un exportateur de Bukavu présent sur place.
L’enjeu dépasse l’économique : près de 500 000 familles dépendent directement de la filière café dans l’Est congolais. Les analyses présentées lors des panels révèlent une baisse de 30% des surfaces cultivées depuis 2023 dans les zones rouges, compensée par une augmentation de 18% des rendements grâce aux techniques agroécologiques. Cette mutation stratégique pourrait faire du café congolais un produit de niche haut de gamme, à l’image des grands crus.
La conclusion des travaux pointera vers des solutions concrètes : création d’un fonds d’urgence pour les planteurs déplacés, mutualisation des moyens de transport, et labellisation « Café de Paix » pour bénéficier de tarifs préférentiels sur les marchés éthiques européens. Alors que les premiers lots s’apprêtent à être soumis aux enchères, les producteurs des Kivus écrivent un chapitre inédit de résilience agricole en zone de conflit.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net