« Caritas Congo nous a sortis de la brousse. Aujourd’hui, nos enfants vont à l’école », confie Banza Motema, représentant pygmée du village Xavier, la voix nouée d’émotion. Ce témoignage poignant résume le chemin parcouru par les communautés autochtones du Tanganyika, dont le savoir-faire ancestral a été célébré lors de la Journée internationale des peuples autochtones à Kaseya, dans le territoire de Kongolo.
Dans ce village du secteur des Balubas, le consortium Université de Lubumbashi-CNPC-Caritas Congo a orchestré une vitrine exceptionnelle des traditions pygmées dans le cadre du projet RECAPTER. Sous des stands colorés, des guérisseurs présentaient des remèdes issus d’arbres centenaires et de racines aux vertus insoupçonnées – une démonstration vivante de la médecine traditionnelle congolaise. Micky Bikiri, chef de programme chez Caritas Congo, ne cachait pas son admiration : « Leur savoir-faire génère des revenus locaux. Cette exposition prouve leurs capacités ! ».
Le projet RECAPTER, déployé dans 10 territoires du Grand-Katanga dont Kongolo, transcende la simple préservation culturelle. Il s’agit d’un levier économique pour ces peuples autochtones RDC longtemps marginalisés. Les pygmées démontrent ici comment leurs connaissances botaniques peuvent nourrir des filières durables. Mais derrière ces racines médicinales soigneusement alignées se cachent des enjeux cruciaux : comment protéger ces savoirs du biopiratage ? Comment les intégrer aux systèmes de santé locaux sans les dénaturer ?
La transformation sociale observée à Xavier illustre l’impact concret du programme. Des habitations en tôle remplacent les abris de brousse, des poulaillers s’organisent, des champs se cultivent. Pourtant, cette émancipation ne doit pas masquer les défis persistants. La sécurisation des terres ancestrales reste précaire, et la reconnaissance des droits autochtones Tanganyika peine à s’inscrire dans les pratiques administratives. Le paradoxe est saisissant : tandis que leur pharmacopée intéresse les chercheurs internationaux, leurs droits fonciers élémentaires sont encore bafoués.
Cette célébration soulève des questions fondamentales sur notre rapport à l’autochtonie. Valoriser le savoir-faire pygmées Kongolo sans lui donner un cadre juridique protecteur reviendrait à une nouvelle forme d’exploitation. Le défi est désormais clair : transformer l’admiration en actions concrètes. Car comme le rappelle un vieux guérisseur présent sur les stands : « Nos arbres soignent les corps, mais seul le respect soignera nos âmes ».
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net