Le quartier Kabanda à Ngandanjika porte encore les stigmates de l’horreur. “Un éclair aveuglant a déchiré la nuit, suivi d’un craquement assourdissant”, raconte Mukendi, voisin des victimes, la voix nouée par l’émotion. “Quand nous sommes arrivés, ils gisaient sans vie près du feu rituel. Leurs corps portaient l’odeur âcre de la foudre.” Trois hommes – Kankolongu Joseph, Bukasa Jean et Mulumba Mike – ont été foudroyés lors d’une cérémonie ancestrale, frappés en plein cœur de cette première pluie de la saison qui s’abattait sur la province de Lomami.
Comment une pratique culturelle séculaire a-t-elle pu virer au drame ? La scène se déroule vers minuit, sous des cieux zébrés d’éclairs. Les victimes participaient à une veillée rituelle quand un éclair accompagné d’un tonnerre fracassant les a terrassées. Leur mort instantanée plonge la communauté dans une stupeur mêlée d’effroi. “Ils préparaient les semailles avec nos ancêtres”, murmure une parente éplorée, illustrant le cruel paradoxe entre tradition et danger météorologique.
Cet accident foudre en RDC survient dans un contexte climatique redouté. Les orages de début de saison des pluies, particulièrement violents dans la région, transforment souvent le ciel en piège mortel. “Les premières précipitations sont chargées d’électricité statique”, explique un météorologue local sous couvert d’anonymat. Les services de la protection civile tirent la sonnette d’alarme : chaque année, des dizaines de Congolais périssent ainsi, fauchés par des décharges pouvant atteindre 100 millions de volts.
Face à cette tragédie à Ngandanjika, les autorités rappellent les consignes élémentaires : “Évitez les espaces ouverts, les arbres isolés et les activités en groupe pendant les orages”, martèle le chef des services de secours de Lomami. Pourtant, cette prévention bute contre des réalités socio-culturelles tenaces. Les cérémonies ancestrales, moments de cohésion communautaire, se tiennent souvent en extérieur sans abri approprié. Une vulnérabilité accrue dans des zones dépourvues de paratonnerres.
Ce drame soulève des questions brûlantes sur la coexistence entre traditions et sécurité. Faut-il renoncer aux rituels hérités des aïeux quand grondent les premiers orages ? Comment concilier héritage culturel et protection civile dans un pays où la saison des pluies rythme la vie agricole et spirituelle ? Derrière les trois cercueils qui traversent aujourd’hui Kabanda, c’est tout un pan de l’identité rurale congolaise qui tremble.
Alors que la province de Lomami enterre ses morts, une inquiétude plus large émerge. Le changement climatique intensifie-t-il ces phénomènes extrêmes ? Les témoins décrivent des éclairs “plus nombreux et plus agressifs” que lors des années précédentes. Cette fatalité apparente interroge notre capacité collective à adapter les pratiques ancestrales aux nouvelles réalités atmosphériques. Trois vies emportées dans la nuit pluvieuse de Ngandanjika nous somment de trouver des réponses, avant que la foudre ne frappe à nouveau.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd