La reconduction de Judith Suminwa au poste de Premier Ministre par le Chef de l’État consacre-t-elle une continuité ou une rupture ? Dans un communiqué de la Primature rendu public ce 8 août 2025, la cheffe du gouvernement affirme voir cette nomination comme une « source de motivation » face à « l’immensité des défis » nationaux, particulièrement dans ce contexte d’agression rwandaise persistante. Un discours volontariste qui contraste avec les réalités économiques et sécuritaires étouffant le quotidien des Congolais.
Le gouvernement Suminwa 2, annoncé après des mois de spéculations, dévoile une architecture complexe : 53 membres dont 6 vice-Premiers ministres et 12 ministres d’État. La cellule de communication de la Primature vante une équipe mêlant « expérience, expertise et sang nouveau », avec plus de 60% des anciens ministres reconduits. Mais cette reconduction massive interroge : s’agit-il d’une consolidation nécessaire ou d’un recyclage des élites politiques ?
L’ouverture à l’opposition constitue la singularité apparente de cette composition gouvernementale congolaise 2025. Des figures critiques font leur entrée, à l’image d’Adolphe Muzito, nommé Vice-Premier ministre chargé du Budget – portefeuille qu’il détenait déjà sous Gizenga. Floribert Anzuluni, ex-coordinateur du mouvement Filimbi et pourfendeur du régime, hérite quant à lui de l’Intégration régionale. Plus symbolique encore, la nomination de Guillaume Ngefa, militant des droits humains jadis forcé à l’exil, comme Garde des Sceaux. Ces choix habillent-ils une réelle volonté d’inclusion ou un calcul politique destiné à désamorcer les tensions ?
Dans son communiqué, Judith Suminwa a adressé des remerciements appuyés aux ministres sortants tout en lançant un appel à la « rigueur » et au « sacrifice » aux nouveaux entrants. Son discours insiste sur la poursuite du Programme d’Actions du Gouvernement (PAG 2024-2028), mais reste évasif sur les moyens concrets pour y parvenir. La fusion de plusieurs ministères – comme le rattachement de la Recherche scientifique à l’Enseignement supérieur – répond officiellement à des impératifs d’efficacité. La création d’un ministère de l’Économie numérique confié à Augustin Kibassa Maliba traduit une volonté d’adaptation aux réalités modernes. Reste à savoir si ces ajustements structurels suffiront à impulser une dynamique nouvelle.
L’architecture du pouvoir ainsi recomposée devra naviguer entre plusieurs écueils : la pression sécuritaire aux frontières orientales, les attentes sociales exacerbées par une inflation galopante, et la cohabitation avec une opposition désormais partiellement intégrée au sein de l’exécutif. La présence d’anciens dissidents dans ce gouvernement d’ouverture constitue un pari risqué. Leur influence réelle sur les décisions stratégiques sera un indicateur clé de la sincérité de cette mue politique. Comme le souligne judicieusement Suminwa, l’heure est au « combat » pour le développement. Mais les armes déployées – recyclage des cadres, nominations symboliques, fusions administratives – sont-elles à la hauteur des batailles à venir ? L’efficacité de cette équipe se jugera à l’aune des premiers résultats concrets du PAG dans un pays où la patience populaire s’use aussi vite que le cours du franc congolais.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd