En République démocratique du Congo, l’Examen d’État dépasse de loin le cadre académique. Chaque année, cet examen marquant la fin du cycle secondaire se transforme en un événement d’ampleur nationale, au croisement de la réussite individuelle, de la fierté familiale et de la célébration collective. En 2025, comme à chaque session, la proclamation des résultats a une fois de plus déclenché une véritable marée d’émotions à travers le pays.
Une liesse populaire à chaque proclamation
À Lubumbashi, l’annonce des résultats a embrasé les rues. Des cortèges bruyants de jeunes en uniforme ont envahi les boulevards, klaxonnant, dansant, chantant leur victoire au rythme de la fanfare urbaine. Dans certains quartiers, des parents sortaient avec des seaux d’eau pour asperger les lauréats en signe de bénédiction et de purification symbolique. Des scènes similaires ont été observées à Kinshasa, où l’euphorie collective a fait vibrer les communes de Limete, Masina, Kintambo ou encore Selembao. Les réseaux sociaux ont explosé de vidéos virales, de cris de joie, de danses improvisées sur des camions, motos ou pickups.
« Ce jour-là, c’est comme une deuxième fête nationale », glisse un parent hilare à Bandalungwa. « Quand ton enfant devient diplômé d’État, c’est toute la famille qui monte en grade. »
Une fierté communautaire
Dans la culture congolaise, obtenir le diplôme d’État n’est pas seulement un succès personnel. C’est une reconnaissance sociale qui rejaillit sur toute la famille, le quartier, parfois même le village. Beaucoup de familles organisent des fêtes spéciales pour célébrer leur lauréat : grillades, orchestres, boissons, tentes décorées… L’événement peut coûter plusieurs centaines de dollars, mais qu’importe : c’est un investissement pour l’honneur.
« Mon fils est devenu diplômé d’État, je ne peux pas rester calme », confie une maman de Kisangani. « Même si je dois vendre deux sacs de manioc pour organiser la fête, je vais le faire. »
Cette valorisation du diplôme renforce chez les jeunes l’envie de réussir, d’accéder à un nouveau statut, de devenir enfin « quelqu’un ». Le simple fait de porter l’uniforme scolaire le jour de la proclamation devient un symbole fort : on quitte l’adolescence pour entrer dans la citoyenneté.
Une épreuve psychologique pour les recalés
Mais cette ferveur a un revers. Pour les élèves qui échouent, la publication des résultats peut être vécue comme une humiliation, surtout lorsqu’elle est diffusée publiquement ou sur les réseaux sociaux. Certains préfèrent fuir la foule, se cacher, ou ne pas répondre aux appels. Dans certains cas extrêmes, des jeunes tombent en dépression, ressentant une pression familiale écrasante.
« Chez nous, mon cousin a raté l’Exetat deux fois. À chaque proclamation, il s’enferme dans la maison pendant trois jours », raconte un habitant de Goma.
Les enseignants et psychologues scolaires soulignent l’importance d’un encadrement post-résultat, aussi bien pour les lauréats que pour les recalés. Car si le diplôme est un honneur, il ne devrait jamais devenir un facteur de stigmatisation ou d’exclusion.
Quand la joie frôle l’excès
Autre point d’alerte : l’exubérance de certaines célébrations. À Kinshasa ou Lubumbashi, il n’est pas rare de voir des défilés motorisés improvisés sur les artères principales, parfois sans casque ni règles de sécurité. Des jeunes s’entassent sur des motos ou des camions bondés, créant des embouteillages et des risques d’accidents. Dans certains cas, les autorités ont dû intervenir pour canaliser la foule.
« Nous comprenons la joie, mais il ne faut pas qu’elle mette des vies en danger », explique un policier du commissariat de Matete.
Un examen devenu affaire de tous
Au final, l’Examen d’État est bien plus qu’un test scolaire. Il est devenu un marqueur culturel, un rite de passage, une source d’identité nationale. Chaque Congolais, directement ou indirectement, se sent concerné : comme élève, comme parent, comme enseignant, comme voisin, comme compatriote.
C’est cette dimension collective qui rend l’Exetat unique en Afrique centrale : dans une société où les diplômes sont parfois le seul espoir d’ascension sociale, réussir l’Examen d’État, c’est ouvrir une porte vers l’avenir. Et quand cette porte s’ouvre, c’est tout un peuple qui célèbre.