« Nous vivons ces violences au quotidien, souvent commises par des jeunes. Nous voulons nous engager pour y mettre fin ». La déclaration poignante d’Esaïe Paluku, président des étudiants de l’ISC-Beni, résonne comme un électrochoc. Mercredi, lui et cinquante camarades ont participé à une formation inédite sur la masculinité positive et la prévention des violences basées sur le genre (VBG), organisée par la police onusienne (UNPOL) et l’ONG locale Tendo la Roho.
Dans une salle de l’Institut supérieur de commerce, les facilitateurs – dont des agents spécialisés de la police de protection de la femme et de l’enfant – ont brisé les tabous. Combien de jeunes congolais réalisent que les violences ne se limitent pas aux agressions physiques ? Les stéréotypes de genre, les pressions psychologiques, les micro-agressions quotidiennes : autant de réalités souvent ignorées qui ont été mises à nu durant cette sensibilisation cruciale.
« Cette formation arrive à point nommé », insiste Esaïe Paluku, la voix chargée d’une conviction nouvelle. « Nous sommes les leaders de demain ». Son plaidoyer pour la pérennisation de telles initiatives dans toutes les universités de la RDC soulève une question brûlante : comment former une jeunesse consciente sans outils concrets pour déconstruire les schémas toxiques ?
Les experts ont martelé un message clé : la prévention des VBG passe par l’éducation au consentement et la remise en question des normes sociales néfastes. Des ateliers interactifs ont décortiqué les mécanismes des violences psychologiques, souvent minimisées dans nos communautés. « Dénoncez tous les comportements violents, pas seulement les agressions sexuelles », ont répété les formateurs, rappelant que 72% des femmes congolaises subissent des violences psychologiques selon les dernières études.
L’ONG Tendo la Roho, pilier local de la lutte contre les violences de genre, a apporté son ancrage communautaire à cette initiative. Son représentant a insisté sur l’urgence d’impliquer les hommes dans le combat : « La masculinité positive n’est pas une menace, mais une libération. C’est rejeter la violence comme marqueur identitaire ». Comment, dès lors, transformer cette prise de conscience en actions durables ?
Cette collaboration entre l’UNPOL, la police congolaise et la société civile dessine une lueur d’espoir dans une région meurtrie par les conflits. Elle s’inscrit dans une stratégie plus large de promotion de l’égalité des genres auprès de la jeunesse estudiantine. Les participants, armés de nouveaux savoirs, se sont engagés à devenir des relais dans leurs cercles sociaux. Reste à savoir si ces graines de changement pourront fleurir dans le terreau d’une société encore minée par les inégalités structurelles.
Alors que le soleil déclinait sur Beni, les visages déterminés des étudiants quittant la salle posaient une évidence : l’éradication des VBG en RDC passera par ces formations qui rééduquent autant les esprits que les comportements. Un défi colossal, mais dont l’urgence crisse dans chaque témoignage recueilli ce jour-là. La route est longue, mais pour la première fois, ces jeunes ont des cartes en main pour ne plus se perdre en chemin.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net