Le secteur des chambres de commerce en République Démocratique du Congo traverse une crise de légitimité institutionnelle sans précédent. Jean-Robert Isifua Bokumbe, président de la Chambre de Commerce, d’Industrie et des Services (CCIS-RDC), a tiré la sonnette d’alarme mercredi à Kinshasa, dénonçant un vide juridique dangereux qui favorise arbitraires et conflits d’intérêts. Dans un réquisitoire sans concession, il révèle que toutes les structures opérant actuellement dans le pays relèvent d’initiatives privées, sans aucun ancrage légal définissant leur statut.
Comment, dans un État aspirant à l’émergence économique, tolérer que des représentations diplomatiques attribuent des reconnaissances officielles sur base d’affinités politiques ou communautaires ? Bokumbe pointe du doigt ces pratiques « juridiquement non fondées » où certains ambassadeurs, selon lui, privilégient indûment certaines chambres. « Quand votre ambassadeur vous refuse, il ne reconnaît pas votre institution légale, vous êtes en difficulté vis-à-vis des partenaires », déplore-t-il, évoquant des situations où des proximités régionales influencent ces choix, créant ainsi « du cafouillage et des conflits ».
L’expert, fort de son parcours au sein de la Chambre Belgo-Congolaise et de la Fédération des Entreprises du Congo (FEC), souligne une absence criante de loi organique régissant le commerce. Contrairement au Maroc ou à la France, la RDC ne dispose d’aucun décret présidentiel ou texte parlementaire établissant une chambre nationale unique. Pourtant, ce cadre représenterait le socle indispensable pour clarifier les rôles entre chambres sectorielles, bilatérales et généralistes comme la CCIS-RDC.
Les conséquences de cet imbroglio sont tangibles : opacité dans les relations commerciales internationales, concurrence déloyale, et difficultés opérationnelles pour les entrepreneurs congolais à l’étranger. Bokumbe rappelle que même les agréments techniques délivrés par des ministères ne confèrent aucune légitimité institutionnelle. Toutes les entités, y compris la FEC ou les chambres bilatérales, fonctionnent sous le statut précaire d’associations sans but lucratif (ASBL).
Face à ce constat, le président de la CCIS-RDC presse les législateurs d’accélérer l’adoption d’une loi spécifique. « Il est temps que la RDC se dote d’un statut légal cohérent et équitable », insiste-t-il, évoquant des initiatives parlementaires antérieures restées lettres mortes. Une réglementation rigoureuse mettrait fin aux ambiguïtés et favoriserait un environnement propice aux investissements.
En attendant, la CCIS-RDC continue son travail de « convergence et de structuration » entre opérateurs économiques, institutions étatiques et partenaires financiers. Ses récents accords avec des hommes d’affaires marocains illustrent cette volonté de dépasser les blocages institutionnels. Mais jusqu’à quand ce pilier économique devra-t-il fonctionner sans reconnaissance juridique claire ? La balle est désormais dans le camp des autorités congolaises.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd