Le cri étouffé de Furaha, mère de quatre enfants, résonne dans le camp de déplacés de Kanyaruchinya, au Nord-Kivu : « Depuis que les combats nous ont chassés de nos champs, nous mangeons une fois par jour. Parfois seulement des feuilles cuites. Comment nourrir ses enfants quand tout brûle autour de nous ? » Son témoignage déchirant illustre l’effondrement alimentaire qui frappe l’Est de la République Démocratique du Congo, où près de 8 millions de personnes basculent aujourd’hui dans la famine.
Face à cette crise humanitaire Est Congo sans précédent, les États-Unis viennent d’annoncer une aide alimentaire RDC supplémentaire de 52 millions de dollars. Cette enveloppe vise à soutenir près de 1,9 million de personnes vulnérables à travers plusieurs pays, dont la RDC. Tommy Pigot, porte-parole adjoint du département d’État américain, a confirmé sur X : « Sous la présidence de Trump, les États-Unis demeurent le premier fournisseur mondial d’aide alimentaire et humanitaire ».
Cette intervention urgente répond aux alertes répétées du PAM RDC. En mai dernier, l’agence onusienne tirait la sonnette d’alarme : l’escalade des conflits armés a provoqué le déracinement de plus de 660 000 personnes rien qu’autour de Goma depuis janvier. Un exode massif qui transforme le Nord-Kivu en épicentre de la tragédie. « Quand les milices ont attaqué notre village, nous avons fui en laissant la récolte sur pied. Aujourd’hui, le sac de manioc coûte trois fois le prix d’avant-guerre », témoigne Bakulu, agriculteur déplacé à Sake.
Les chiffres donnent le vertige : dans les provinces de l’Est (Ituri, Nord-Kivu, Sud-Kivu et Tanganyika), le nombre de personnes en insécurité alimentaire Kivu aiguë (phase 3 de l’IPC et au-delà) est passé de 6,6 à 7,9 millions. Parmi elles, 2,3 millions survivent en phase 4 – le seuil de la famine. Comment expliquer cette dégradation foudroyante ? La réponse tient en trois mots : guerre, déplacement et effondrement agricole.
Le Grand Nord du Nord-Kivu, grenier de l’Est congolais, est paralysé. Les affrontements entre FARDC, M23 et groupes armés ont anéanti 90% de la production vivrière. Les routes commerciales sont coupées, les marchés bombardés, les semences perdues dans la fuite. Conséquence : les familles réduisent leurs repas, se nourrissent d’aliments sauvages peu nutritifs, ou mendient pour survivre. « Avant, je cultivais un hectare de haricots. Maintenant, mes enfants dorment le ventre vide », lâche Mukwege, les yeux rivés sur son lopin abandonné.
Cette catastrophe dépasse les frontières. Près de 140 000 Congolais ont fui vers le Burundi et l’Ouganda durant les quatre premiers mois de 2025, aggravant la pression sur les ressources régionales. Pendant ce temps, le PAM RDC tente désespérément d’acheminer l’aise vitale. Mais comment rattraper des besoins qui doublent plus vite que les convois humanitaires ? « Nos stocks couvrent à peine 40% des nécessités », admet un logisticien sous couvert d’anonymat.
La question centrale demeure : cette aide alimentaire RDC américaine suffira-t-elle à enrayer l’hémorragie ? Si l’urgence commande de nourrir les ventres vides aujourd’hui, la vraie bataille se joue sur la sécurisation des zones agricoles et le retour des déplacés Nord-Kivu dans leurs champs. Sans paix durable, les sacs de farine ne seront qu’un pansement sur une artère ouverte. Alors que la RDC compte désormais 28 millions de personnes en insécurité alimentaire aiguë, cette crise expose un enjeu vital : la survie d’un peuple pris en étau entre les kalachnikovs et la faim.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd