La République Démocratique du Congo tourne une page décisive de sa gouvernance territoriale avec l’entrée en vigueur imminente de la Loi n°25/045. Ce vendredi 2 août à Kinshasa, Guy Loando Mboyo, ministre d’État à l’Aménagement du territoire, a symboliquement remis le texte aux secrétaires généraux de l’administration, déclenchant une révolution administrative trente jours avant son application effective, comme l’exige l’article 141 de la Constitution. Un geste protocolaire lourd de conséquences pour l’occupation de l’espace congolais.
Dès le 12 août prochain, aucun projet d’infrastructure, aucune utilisation du sol ne pourra échapper au nouveau mécanisme d’« avis de conformité ». Le ministre Loando martèle cette obligation comme une rupture avec des décennies d’improvisation spatiale : « Nous comblons un vide juridique persistant depuis 1957 ». Cette affirmation, prononcée devant les chefs coutumiers et la société civile, résonne comme un aveu implicite de l’État sur son impuissance historique à maîtriser l’organisation du territoire national.
La véritable innovation réside dans la création inédite d’un droit pénal de l’aménagement. « Ça incrimine et ça sanctionne », prévient Loando, sans toutefois détailler l’échelle des peines. Une omission qui interroge sur la capacité réelle de l’Observatoire National de l’Aménagement du Territoire (ONAT), désormais gardien de cette conformité, à traquer les violations sur un territoire grand comme l’Europe occidentale. L’institution devra-t-elle se transformer en gendarme de l’urbanisme ?
Structurée en huit titres et une centaine d’articles, la loi encadre méthodiquement les mécanismes de financement, de contrôle et d’évaluation. Le ministre y voit l’incarnation du troisième pilier du programme de Félix Tshisekedi, mais l’ambition soulève des défis pratiques. Comment appliquer uniformément ces dispositions des confins du Katanga aux faubourgs de Kinshasa, alors que l’État peine déjà à faire respecter ses lois fondamentales ?
La remise officielle aux services spécialisés ne suffira pas à garantir l’effectivité de cette réforme. Si l’ONAT devient le nouvel arbitre des conflits fonciers, sa neutralité sera-t-elle à l’abri des pressions politiques et économiques ? Le calendrier serré – moins de deux semaines avant application – laisse perplexe sur la préparation réelle des administrations provinciales. La centralisation kinoise de cette procédure ne risque-t-elle pas d’étouffer dans l’œuf une décentralisation pourtant constitutionnelle ?
Cette loi, si elle est rigoureusement appliquée, pourrait remodeler en profondeur le visage urbain et rural de la RDC. Mais son succès dépendra de la fermeté des sanctions contre les puissants et de l’indépendance des inspecteurs territoriaux. Le pari de Loando Mboyo est audacieux : transformer l’aménagement du territoire en outil de souveraineté plutôt qu’en catalogue de bonnes intentions. L’Histoire jugera si cette innovation juridique survit aux réalités congolaises.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net