Clarisse Wanza, 26 ans, se souvient de ses nuits passées sur un tapis de cuisine à Mont Ngafula : « Pas de téléphone, pas de liberté, pas de jour de repos. Pour 100 000 francs congolais par mois, j’ignorais même avoir des droits. » Son témoignage déchirant illustre le quotidien de milliers d’aides ménagères en République Démocratique du Congo, ces travailleuses de l’ombre essentielles mais invisibles.
Dans les foyers congolais, un paradoxe criant persiste : ces femmes et jeunes filles qui maintiennent le fonctionnement des ménages sont parmi les plus exploitées. Sans contrat écrit, sans protection sociale, elles cumulent les journées de 16 heures pour des salaires dérisoires – souvent inférieurs au minimum légal de 180 000 FC – quand elles parviennent à être payées. Combien subissent des violences physiques ou sexuelles dans l’impunité totale ? La question résonne comme un constat accablant.
Pourtant, le droit congolais est formel. Maître Nenette Mushiya, avocate spécialisée, rappelle avec fermeté : « Le Code du travail s’applique pleinement au travail domestique. L’article 5 reconnaît son statut salarié, l’article 56 exige un contrat écrit. » La Constitution garantit quant à elle des « conditions justes et équitables ». Mais ces textes restent lettres mortes dans un secteur dominé par l’informel et l’arbitraire.
Les conséquences ? Un système où les abus deviennent norme. Salaires impayés pendant des mois, congés refusés, tâches démesurées, interdiction de contacts familiaux… Autant de réalités que dénoncent régulièrement les associations féminines. Paradoxe cruel : ces travailleuses entretiennent les foyers mais n’ont souvent pas de lieu décent pour dormir, réduites à des recoins de cuisine ou des couloirs.
Face à cette exploitation domestique au Congo, quels recours existent ? L’avocate énumère des pistes théoriques : saisir l’Inspection du travail, porter plainte pour violences, solliciter des ONG d’accompagnement juridique. Mais comment y accéder quand on est analphabète, sans ressources ni réseau ? « Ces mécanismes restent inaccessibles », soupire Maître Mushiya. L’absence de ratification de la Convention 189 de l’OIT sur le travail domestique prive par ailleurs les victimes d’une protection internationale.
Le cœur du problème réside dans une double méconnaissance : les employeurs ignorent leurs obligations, les aides ménagères ignorent leurs droits. « Il faut instaurer des inspections dans les foyers et former ces travailleuses », plaide l’avocate. Des solutions concrètes émergent timidement : des associations organisent des séances d’information dans les communes, des syndicats informels tentent des médiations. Mais sans volonté politique forte, ces initiatives peinent à changer l’échelle du drame.
Derrière chaque uniforme de maison se cache une dignité bafouée. Ces femmes qui élèvent nos enfants et entretiennent nos maisons méritent-elles moins de respect que les autres travailleurs ? Le chemin vers la justice passe par trois révolutions : l’application réelle du droit du travail domestique, la création de recours juridiques accessibles pour les aides ménagères en RDC, et surtout, un changement de regard sur ces professionnelles indispensables. Car comme le rappelle si justement Maître Mushiya : « Derrière chaque tablier, il y a une vie humaine. » Leur combat silencieux est celui de la reconnaissance fondamentale de leur humanité.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd