Dans le sanctuaire académique de l’Université des sciences de l’information et de la communication (UNISIC), Patrick Muyaya, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, a déployé jeudi une stratégie aussi inédite que cruciale. Accompagné de Noëlla Ayeganagato Nakwipone, ministre de la Jeunesse et de l’Éveil patriotique, il est venu enrôler la relève médiatique congolaise dans ce qu’il nomme la « bataille décisive de la souveraineté narrative RDC ».
Face à un auditoire composé d’étudiants, professeurs et gestionnaires, Muyaya a retracé trois décennies de crises sécuritaires avant de décortiquer les processus paix Washington Doha. « Nous avons recommandé aux narrateurs du présent d’être les premiers qui lisent, les premiers qui éclairent », a-t-il affirmé, martelant que cette université forme « le premier vecteur de la société ». Un discours où transparaissait l’urgence de contrer ce qu’il qualifie de « manipulations étrangères » par une jeunesse patriotique Congo armée de vérités.
Mais comment construire cette paix sans maîtriser son propre récit ? Le ministre a placé la lutte désinformation RDC au cœur de son plaidoyer : « Notre fierté, c’est de mettre le drapeau sur le front […] considérez que nous sommes un pays grand et nous construisons notre grandeur ». Une injonction reprise avec force par sa collègue ministérielle : « Chers jeunes congolais, vous portez une responsabilité historique : adhérer sans équivoque à cette dynamique salvatrice ». Rappelant que les jeunes constituent 70% de la population, elle en a fait les « architectes incontournables » de la reconstruction nationale.
L’appel semble avoir trouvé écho. Les étudiants de l’UNISIC ont salué cette démarche, l’un d’eux reconnaissant : « Avant, on pensait que les Américains sont venus nous piller […] mais cette conférence nous a éclairés ». Une étudiante renchérit : « Nous devons nous informer sur Washington et Doha pour combattre l’ignorance ». Preuve que la bataille des récits se gagne d’abord sur les bancs de l’université.
Le professeur Jean Kambayi Bwatshia, recteur de l’UNISIC, a scellé cet engagement par un soutien sans ambiguïté au gouvernement : « Dites au président que vous n’êtes pas seuls dans votre lutte pour la restauration de la paix ». Un ancrage académique essentiel alors que Muyaya poursuit sa tournée, devant s’adresser samedi aux cadres du Parti Lumumbiste Unifié (PALU).
Cette offensive narrative menée par le porte-parole du gouvernement interroge : instrument de conscientisation citoyenne ou habile stratégie de mobilisation politique ? Si l’urgence de lutter contre les récits biaisés s’impose, l’efficacité de cette campagne dépendra de sa traduction en actions concrètes. Les étudiants de l’UNISIC, désormais enrôlés comme « soldats de l’information », devront démontrer qu’ils peuvent réellement devenir les gardiens du récit national sans tomber dans le piège du patriotisme aveugle. La crédibilité du processus paix Washington Doha en dépend autant que l’avenir même de cette jeunesse congolaise en quête de repères.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd