La cour d’appel du Maniema se trouve au cœur d’un imbroglio judiciaire révélateur des dysfonctionnements chroniques de l’appareil judiciaire congolais. Maître Joseph Kyenda, avocat au barreau près cette juridiction, a publiquement dénoncé ce vendredi la détention qu’il qualifie d’« illégale et arbitraire » de deux prévenus, Olembo Kipalamoto et Ismaël Munanga. Poursuivis initialement pour meurtre et association de malfaiteurs, ces derniers avaient pourtant été acquittés par un arrêt de la cour d’appel rendu le 24 décembre 2024. Huit mois après ce verdict, ils croupissent toujours dans les geôles de Kindu, dans une violation patente des dispositions légales régissant l’exécution des décisions de justice.
L’affaire Olembo Kipalamoto, enregistrée sous le numéro RPA 1146/RP1397, suit un parcours judiciaire révélateur des entraves à la justice en République Démocratique du Congo. Après une condamnation à cinq ans de prison ferme prononcée en première instance par le tribunal de grande instance, les deux hommes avaient interjeté appel. C’est alors que la cour d’appel du Maniema, statuant sur le fond, a prononcé leur acquittement complet. Selon les termes du Code de procédure pénale congolais, cet arrêt définitif aurait dû entraîner leur libération immédiate. Comment expliquer que des acquittés demeurent emprisonnés en RDC, défiant ainsi l’autorité de la chose jugée ?
La réponse résiderait dans une interprétation contestable des formalités entourant l’arrêt d’acquittement. Maître Kyenda expose avec précision l’argument invoqué par le parquet général du Maniema pour justifier son inertie : « L’arrêt qui a été rendu a été signé par deux des trois juges composant la formation, un juge ne l’a pas signé. C’est sur cette base, le simple fait qu’un juge n’a pas signé, que le parquet général refuse de reconnaître l’arrêt et agit comme s’il n’existait pas. » Cette position soulève des questions fondamentales sur la validité des décisions collégiales, d’autant que la législation congolaise ne stipule nulle part l’exigence d’une signature unanime pour l’authenticité d’un arrêt.
L’avocat n’hésite pas à qualifier cette situation de « scandale » portant directement préjudice aux droits fondamentaux des justiciables. Le parquet général, pourtant gardien de l’exécution des décisions de justice, devient ici l’artisan d’une détention illégale au Maniema. Ce blocage institutionnel illustre un dysfonctionnement justice congolaise aux conséquences humaines dramatiques : comment des citoyens acquittés peuvent-ils rester privés de liberté pendant huit mois malgré un verdict favorable ? Maître Kyenda lance un appel pressant aux autorités provinciales et nationales, exigeant une intervention urgente pour faire appliquer la loi et libérer les deux hommes. Cette affaire dépasse le cadre strictement juridique pour toucher à la crédibilité même de l’État de droit dans la province.
Au-delà du cas spécifique des prévenus, cette affaire soulève des interrogations structurelles sur l’indépendance de la justice congolaise. Le refus persistant du parquet général d’exécuter une décision de la cour d’appel crée un précédent inquiétant qui pourrait saper la confiance des justiciables dans le système. La détention prolongée d’acquittés emprisonnés en RDC constitue une violation flagrante du principe de présomption d’innocence et du droit à un procès équitable. Face à ce qui apparaît comme une paralysie délibérée de l’appareil judiciaire, la société civile et les instances de régulation du pouvoir judiciaire se doivent de réagir avant que de tels dysfonctionnements ne se généralisent. La balle est désormais dans le camp des autorités compétentes pour rétablir sans délai la primauté du droit.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net