« Cette formation m’a sauvé la vie. Aujourd’hui, mon atelier de couture me permet de manger chaque jour sans mendier », confie Élise*, les mains tremblantes d’émotion. Comme elle, ils étaient 75 jeunes en situation de rue à Kinshasa à se lancer, il y a deux ans, dans un pari audacieux : le projet « Tremplin vers un emploi décent et durable ». Ce mardi 29 juillet 2025, le Centre Wallonie-Bruxelles vibrait au rythme des réussites : 57 d’entre eux ont transformé leur destin grâce à un accompagnement sur-mesure combinant formation professionnelle, entrepreneuriat et marketing digital.
Financé par Enabel et mis en œuvre par Louvain Coopération avec les associations locales Ndako ya biso (NYB) et Bana ya poveda (BYP), ce dispositif d’insertion socioprofessionnelle RDC a démontré son efficacité. « L’objectif n’était pas de distribuer des diplômes, mais des compétences concrètes pour intégrer le marché du travail ou créer des activités génératrices de revenus », martèle Élie Nsana, chef du projet. Une approche exigeante : seuls les jeunes volontaires, avec une représentation féminine priorisée, ont pu suivre ce parcours exigeant qui s’achève par la remise de kits d’insertion – machines à coudre, outils de menuiserie ou matériel de coiffure.
Dans la commune de Makala, épicentre de la formation professionnelle Makala, les témoignages fusent. « Avant, je survivais en lavant des taxis. Aujourd’hui, je répare les moteurs dans mon propre garage », lance fièrement Jacques, bénéficiaire de NYB. Son parcours symbolise cette autonomisation jeunes RDC tant espérée : après 6 mois de formation en mécanique auto, il a reçu un jeu de clés et un compresseur, semences de sa nouvelle vie. Comment ignorer l’impact quand on sait que 80% des jeunes en situation de rue Kinshasa survivent avec moins d’un dollar par jour ?
L’atelier de clôture a transformé l’essai en plaidoyer politique. Lors d’une table ronde cruciale – « Quels mécanismes pour soutenir durablement les jeunes en situation de rue ? » – ministères, ONG et partenaires techniques ont sonné l’alarme. « Ce projet tremplin emploi décent n’est qu’une goutte d’eau. Les Kuluna et enfants des rues sont des bombes sociales si l’État ne s’implique pas davantage », insiste un représentant des Affaires sociales. Élie Nsana enfonce le clou : « Nous venons en appui au gouvernement, mais lui seul a la capacité de dupliquer ce modèle à grande échelle. La jeunesse abandonnée est une dette morale que la RDC doit solder. »
Derrière les expositions de produits artisanaux et les cocktails, une vérité crève les yeux : chaque kit remis est un pari contre la récidive dans la rue. Louvain Coopération, présent depuis 15 ans en RDC, y voit « une innovation sociale reproductible ». Mais le défi dépasse les ONG. Peut-on vraiment bâtir l’avenir du pays quand des milliers de jeunes errent dans l’ombre ? La réussite des 57 bénéficiaires ouvre une brèche d’espoir, mais exige une réponse systémique. Comme le souligne un participant : « L’autonomie économique est le seul vaccin contre l’exploitation des mineurs et la délinquance. » Alors que Kinshasa compte près de 25 000 enfants et jeunes des rues selon les ONG, ce tremplin réussira-t-il à devenir un pont solide ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd