Le clapotis des vagues contre les coques délabrées cache mal l’angoisse palpable des passagers entassés sur ces pirogues de fortune. Chaque traversée entre Kimbemba, dans le groupement Nienge (secteur Wombo, territoire de Songololo), et les localités voisines sur le fleuve Congo ressemble à une roulette russe aquatique. « En cette période de vacances scolaires où les mouvements s’intensifient, nous tremblons pour chaque famille qui tente la traversée », confie Eugène Kanza Tonda, président de la société civile de Luozi, la voix nouée par l’urgence. Depuis des années, cette zone du Kongo-Central vit au rythme des drames évitables, des naufrages qui emportent vies et espoirs dans les eaux boueuses du mythique fleuve.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plusieurs accidents mortels déjà enregistrés, des dizaines de disparus, et un bilan matériel catastrophique pour des communautés riveraines déjà vulnérables. Pourtant, rien ne change. Les embarcations surchargées continuent de voguer sans contrôle, défiant toutes les normes de sécurité. « Cette anarchie persiste sous le regard indifférent des autorités », dénonce Kanza Tonda, pointant du doigt l’absence criante de régulation. Combien de vies faudra-t-il encore sacrifier avant que l’État n’intervienne ?
La traversée dangereuse Wombo-Kimbemba symbolise un fléau national. La RDC, rappelons-le, est régulièrement endeuillée par des accidents bateaux où le non-respect des règles élémentaires de navigation transforme les cours d’eau en cimetières liquides. Ici, à Luozi, l’insécurité navigation atteint des sommets lors des pics de fréquentation. Les vacances scolaires, moments de retrouvailles familiales, deviennent paradoxalement des périodes à haut risque où chaque traversée relève du parcours du combattant.
Face à cette hécatombe silencieuse, la société civile Kongo-Central monte au créneau avec des revendications précises. Elle exige la mise en place immédiate de postes de contrôle fluvial pour inspecter la conformité des embarcations et sanctionner les transporteurs négligents. « Le ministère des Transports doit déployer des agents formés et doter ces postes de moyens logistiques adéquats », insiste Kanza Tonda. Mais au-delà de la réaction ponctuelle, c’est une surveillance permanente qui est réclamée, une présence étatique capable de prévenir plutôt que de constater.
Derrière ces naufrages fleuve Congo répétés se cache une réalité sociale criante : la précarité des populations contraintes à utiliser ces passages par manque d’alternatives. Ces traversées anarchiques ne sont-elles pas le symptôme d’un abandon territorial ? Quand l’État se retire, l’informel et le danger prennent le relais. Les habitants de Wombo et Luozi, pris au piège entre l’urgence de leurs déplacements et la menace permanente, méritent mieux que cette loterie mortelle.
L’appel lancé depuis Luozi résonne comme un test pour les autorités congolaises. Agir maintenant, c’est briser le cycle infernal des accidents bateaux RDC qui souillent régulièrement nos fleuves. Ne rien faire, c’est accepter que des familles entières continuent de sombrer dans l’indifférence. La balle est dans le camp du gouvernement : préférera-t-il les beaux discours ou les actes concrets qui sauvent des vies ? Le fleuve Congo attend sa réponse, tandis que des milliers de citoyens retiennent leur souffle à chaque embarquement.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net