La forêt en détresse pleure l’un des siens. Dimanche dernier, un chimpanzé paniqué fuyant le sanctuaire des Virunga a été abattu de sang-froid par des jeunes du quartier Masosi, dans la commune rurale d’Oicha. Ce drame survenu à 30 km de Beni jette une lumière crue sur la vulnérabilité extrême des espèces protégées en République Démocratique du Congo. Combien de cris étouffés dans la canopée avant que ne résonne l’électrochoc ?
Selon les autorités communales, l’animal aurait franchi les limites du parc national – poumon vert de l’humanité classé au patrimoine mondial – avant d’errer en zone habitée. Pris de panique, des adolescents ont choisi la violence plutôt que l’alerte. Patrick Kambale Mubarikiwa, chef du service environnemental local, dévoile des pistes glaçantes : « Braconnage intensifié, déforestation galopante ou épidémie… Ces pressions jettent littéralement les animaux sous les balles humaines. »
Les chimpanzés, joyaux menacés d’extinction, comptent parmi les trésors les plus précieux de la biodiversité congolaise. Leur population a chuté de 90% au siècle dernier selon l’UICN. Chaque individu tué rapproche l’espèce du gouffre de l’irrémédiable. « Cette tragédie exige une prise de conscience collective », insiste M. Mubarikiwa, martelant l’urgence de signaler toute présence animale anormale aux services de l’ICCN plutôt que de céder à la terreur.
Derrière ce drame local se profile un malaise profond. Le parc des Virunga, sanctuaire de 3 000 espèces dont 200 mammifères menacés, suffoque sous les assauts conjugués du braconnage, des conflits armés et de l’exploitation forestière illégale. Jusqu’où devra-t-on pousser le cri d’alarme ? Les communautés riveraines, premières sentinelles de cette richesse mondiale, réclament d’urgence des campagnes de sensibilisation renforcées sur la cohabitation homme-faune.
Alors que l’ICCN garde un silence troublant, le territoire de Beni sonne la mobilisation générale. Protéger ces primates, c’est préserver l’équilibre écologique du Nord-Kivu – et au-delà, l’avenir climatique de la planète. La prochaine fois qu’un singe effrayé franchira la lisière, saurons-nous tendre la main plutôt qu’un fusil ?
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: radiookapi.net