Dans un contexte sécuritaire particulièrement volatile, le Conseil national du suivi de l’accord de Saint Sylvestre (CNSA) vient de jeter un pavé dans la mare politique congolaise. Réuni ce mardi sous la présidence de Joseph Olenghankoy, cet organe clé de la gouvernance démocratique a publiquement appelé à la suspension immédiate du procès visant l’ancien chef de l’État Joseph Kabila. Une position qui interroge sur l’équilibre délicat entre exigence de justice et impératifs de stabilité nationale.
Le communiqué officiel du CNSA, publié à l’issue de sa session ordinaire, ne mâche pas ses mots : qualifiant la procédure judiciaire d’« inopportune », il met en garde contre des risques de fracture sociale majeure. « Cette initiative risque de compromettre les efforts de réconciliation nationale et d’alternance pacifique », peut-on lire dans le document, faisant ainsi écho aux tensions palpables traversant le paysage politique congolais. N’est-il pas surprenant qu’un organe chargé de veiller à l’application de l’accord de Saint Sylvestre privilégie soudainement la suspension d’un procès à portée historique ?
La justification avancée par le Conseil puise sa source dans la situation sécuritaire explosive qui prévaut dans l’Est du pays. Le communiqué évoque avec gravité les « massacres de Komanda » survenus en Ituri fin juillet, décrivant une inquiétante « montée des violences » et le « retour en force des groupes armés ». Pour le CNSA, ces développements tragiques signalent un « recul de l’espoir » né de la transition démocratique de 2019. Dans ce « climat de tension », poursuivre le procès de l’ancien président apparaîtrait comme une bravade dangereuse, susceptible d’enflammer des passions déjà exacerbées.
Face à ce constat alarmiste, le Conseil préconise une alternative : l’ouverture urgente d’un cadre de dialogue national. Cette recommandation, présentée comme la seule voie pour « préserver la stabilité politique », impliquerait un rapprochement inédit entre le président Félix Tshisekedi et son prédécesseur. Le CNSA les exhorte à « dépasser leurs différends » au nom de « l’intérêt supérieur du peuple congolais », posant ainsi les jalons de futures alternances démocratiques apaisées. Une proposition qui ressemble fort à une médiation politique de haut vol, alors que les tensions entre les deux camps n’ont cessé de structurer la vie politique récente.
Parallèlement à cette initiative, le CNSA déploie des efforts diplomatiques concrets. Une délégation restreinte menée par son président a reçu mandat d’engager des pourparlers directs entre le gouvernement et la rébellion du M23, soutenue par le Rwanda. Concernant les négociations de Doha, le Conseil insiste pour y associer des observateurs de l’Assemblée nationale, du Sénat et de la société civile, arguant que seule cette inclusion garantirait « transparence et légitimité » aux discussions. Ces démarches surviennent alors que les appels au dialogue se multiplient dans une RDC en proie à des défis multidimensionnels.
Cette prise de position du Conseil national du suivi de l’accord de Saint Sylvestre interroge fondamentalement les priorités du moment : jusqu’où faut-il pousser la logique judiciaire lorsque la cohésion nationale vacille ? L’opportunité politique doit-elle primer sur l’exigence de reddition des comptes ? Tandis que le procès Joseph Kabila cristallise les passions, le CNSA semble avoir choisi son camp : la suspension temporaire au nom de la stabilité. Un calcul risqué qui pourrait bien redessiner l’échiquier politique congolais dans les mois décisifs à venir, où chaque décision pèse lourd dans la balance démocratique.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net