L’examen du dossier de l’ancien ministre de la Justice Constant Mutamba a connu un coup d’arrêt inattendu ce mercredi 30 juillet devant la Cour de cassation de la République Démocratique du Congo. Alors que l’audience devait consacrer la poursuite de l’instruction, le conseil de la défense a déposé deux requêtes en inconstitutionnalité devant la Cour constitutionnelle, paralysant instantanément la procédure judiciaire engagée contre l’ancien haut magistrat.
La première requête vise directement les résolutions adoptées par l’Assemblée nationale, lesquelles avaient autorisé le Procureur général près la Cour de cassation à instruire et poursuivre Constant Mutamba. La seconde cible la décision préalable de la Cour de cassation elle-même, qui avait rejeté les exceptions antérieurement soulevées par la défense. Ces démarches juridiques complexes soulèvent une question fondamentale : les procédures engagées contre l’ancien ministre respectent-elles le cadre constitutionnel congolais ?
Les avocats du prévenu ont simultanément soulevé une exception d’inconstitutionnalité devant la Cour de cassation, fustigeant le mode d’adoption des résolutions parlementaires. Leur argumentation centrale dénonce une violation manifeste de la Constitution, les résolutions ayant été adoptées par vote à main levée alors que la Loi fondamentale exige un scrutin secret pour ce type de décisions. Cette irrégularité procédurale, selon la défense, entache l’ensemble de la procédure judiciaire engagée dans l’affaire Mutamba.
Face à ces développements, la stratégie de la défense apparaît clairement : obtenir un sursis à statuer jusqu’à ce que la Cour constitutionnelle se prononce sur ces questions fondamentales. Une manœuvre qui pourrait considérablement retarder un procès déjà complexe, mais qui repose sur des arguments juridiques précis concernant le respect des normes constitutionnelles dans le traitement des affaires pénales impliquant d’anciens hauts responsables.
Le Procureur général près la Cour de cassation a immédiatement réagi en demandant le rejet pur et simple de ces incidents procéduraux. Dans une plaidoirie ferme, le ministère public a exigé la poursuite sans délai de l’instruction, considérant ces requêtes comme des manœuvres dilatoires. Cette position tranchée illustre les tensions judiciaires entourant ce dossier sensible, où chaque décision procédurale prend une dimension politique considérable.
Rappelons que Constant Mutamba est poursuivi pour détournement présumé de 19 millions de dollars américains. Ces fonds, initialement destinés à la construction d’une prison moderne à Kisangani, auraient été indûment détournés selon l’acte d’accusation. L’affaire, qui défraie la chronique judiciaire congolaise depuis plusieurs mois, met en lumière les mécanismes de contrôle des fonds publics dans les grands projets d’infrastructure en RDC.
La Cour de cassation se trouve désormais dans une impasse juridictionnelle délicate. Devra-t-elle suspendre le procès comme le réclame la défense, au risque de prolonger indéfiniment une procédure déjà engagée ? Ou bien passera-t-elle outre ces requêtes pour respecter le calendrier judiciaire, comme l’exige le parquet ? La décision qui sera rendue dans les prochains jours pourrait créer un précédent important dans la jurisprudence congolaise en matière de conflits de compétence entre hautes juridictions.
Cette nouvelle péripétie dans l’affaire Mutamba soulève des interrogations profondes sur l’équilibre des pouvoirs en République Démocratique du Congo. Le traitement judiciaire des dossiers sensibles impliquant d’anciens membres du gouvernement continuera-t-il d’être entravé par des questions de procédure ? La réponse de la Cour constitutionnelle à ces requêtes en inconstitutionnalité sera déterminante pour l’avenir de ce procès emblématique et, au-delà, pour la crédibilité de la lutte contre la corruption des hautes sphères de l’État.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd